12 ans… Il aura fallu attendre 12 ans pour que le noyau dur de PORCUPINE TREE reprenne la route du live autour du magicien Steven WILSON. 12 ans d’attente pour un frisson de 2 heures 40′ d’une démonstration sans nulle pareille. 12 ans d’attente pour que des dizaines de milliers d’aficionados fassent enfin leur coming out en réservant à la bande à Wilson un accueil digne de ce qu’elle (il) mérite depuis 1984. Le Petit Poucet est devenu Gargantua. David s’est métamorphosé en Goliath. Mais dans le fond, pour les fidèles de la première heure, rien – strictement rien – n’a changé. Et Steven Wilson encore moins, flamboyant Lilliputien au beau milieu de l’immense scène de la Rudolph Weber Arena qui n’est même pas trop grande pour lui, tout juste à la taille de son génie. Now online, et dans notre galerie de portraits…
« Since 1984 we create together – Be yourself, everybody else is taken« . La mention maladroitement ou plutôt naïvement manuscrite qu’arbore la chemise délicatement repassée d’un Steven WILSON propret et bien loquace – telle l’aurait griffonnée un adolescent sur sa veste de jeans – cette mention n’est probablement visible que par le premier rang de cette remarquable Rudolph Weber Arena d’Oberhausen. Et encore, avec de bons yeux ! Julilatoire : sans doute cette définition sied-elle le mieux à cet Evening with Porcupine Tree qui n’en porte pas le nom mais néanmoins présenté comme tel par WILSON. Rien ne laissait en effet supposer que ce set en deux parties allait nous emmener trois heures durant dans un survol sans pareil de la carrière de PORCUPINE TREE (soit 2h40 de show, entracte de 20′ déduit).
Après douze ans de silence interrompus par la seule prolifique production solo d’un Wilson toujours aussi musicalement boulimique, le nouvel opus de PORCUPINE TREE a pris tout le monde à contre-pieds en juin dernier, convaincue qu’était la Planète Rock que jamais le band ne renaîtrait de ses cendres. S’il n’est selon nous pas l’album le plus abouti de l’Arbre à Porc-Epic, Steven WILSON réussit néanmoins l’exploit de nous le performer dans son intégralité ce soir sans tomber dans le travers habituel de tous ses pairs: celui de le jouer d’une seule traite, avant de passer (ou après être passé) à autre chose.
Avec un percutant Blackest Eyes qui ouvre le set, le tempo est donné. Even Less, dans une version longue de 7 minutes, suivra un tir groupé de 3 morceaux tirés du dernier né qui s’enchainent sans qu’on n’ait le temps de réaliser la fourberie. Wilson en maître de cérémonie sans pareil nous distille ainsi de-ci de-là son dernier chef d’oeuvre, mine de rien, entre 2 classiques ou pépites ressorties de son catalogue et en nous évitant l’indigestion d’une démonstration d’un seul tenant, d’un seul jet.
Entouré de son fidèle Richard Barbieri aux claviers et de l’extraordinaire (le mot est faible) Gavin Harrison aux drums qui ont tous deux participé à la conception et à la genèse de cet album-surprise, Wilson explore sans cesse un monde sonore décalé que d’aucuns, à court d’imagination ou de vocabulaire, définiront de manière réductrice comme du rock progressif alors que la production de PORCUPINE TREE ne peut pas être corsetée dans un genre particulier. Wilson a tout expérimenté, du rock psychédélique aux paysages sonores électroniques de la pop expérimentale en passant par de classiques influences et de métallique détours. Dans le plus grand secret, les trois lascars travaillaient sur le projet depuis 2010, à travers un fichier dénommé PT2012 sur le PC de Wilson (rebaptisé ensuite PT2015, puis PT2018, etc.).
Une poignée seulement de photographes sont accrédités, et c’est heureux dès lors que nous sommes relégués sur l’étroit podium du FOH pour officier lors des deux premiers morceaux du… second set, dont malheureusement un Bying New Soul joué dans une pénombre voulue et presque totale. Les 2 guests à la rythm guitar et à la basse (Nate et Randy) sont ironiquement présentés comme venant de New-York UK et du Texas, UK, avant que le show ne plonge dans la spirale d’une nouvelle dimension, d’un nouvel espace-temps avec un Anesthetize qui assène le coup de grâce à une arena qui n’en espérait pas tant. Sleep Together clôturera le second set, annonciateur d’un rappel de 3 morceaux dont Train en finale – « Puisque nous n’avons jamais fait de hit en tant que tel, nous n’avons pas la pression de le jouer ni vous l’impatience de l’attendre ! Toujours est-il que nous allons clôturer cette soirée avec ce qui pourrait s’y apparenter sans que ce n’en soit pourtant le cas…!« . Sacré Wilson, va.
Steven WILSON demeure un extra-terrestre, et remplir exceptionnellement d’imposantes arenas telles que celles de toute cette tournée n’est pas pour lui anodin. Il se remémore d’ailleurs un show donné non loin d’ici à Stuttgart il y a bien des années où la salle ne comptait que 40 (ou 14 ?) spectateurs. Nous sommes plus de 10.000 ce soir, arborant des t-shirts de rock progressif, de métal et de rock mainstream comme le souligne très justement Steven WILSON lui-même en observant ironiquement l’assemblée. Sans doute ici se situe tout son génie conceptuel, celui de rassembler tous les genres, de transcender tous les styles et d’en réunir toutes les générations. Sauf erreur blasphématoire de notre part, God is Back… (ou alors ça en a tout l’air).
Porter au pinacle PORCUPINE TREE et apprécier KING CRIMSON sans vraiment connaître par ailleurs la discographie du batteur qu’ils se partagent et qui mène une carrière parallèle sous son propre nom, cela réserve des surprises. Le pedigree de Gavin HARRISON – puisqu’il s’agit de lui – ne le met toutefois pas à l’abri de déconvenues les plus banales : le sound-check débute à l’heure prévue du concert, avec les excuses de l’intéressé qui s’en explique par un retard du à une longue immobilisation forcée sur une autoroute anglaise coupée ! "Une tournée qui commence fort", écrira-t-il sur son Facebook, "et un super public verviétois !" ajoutera-t-il. Il se le met dans la poche en demandant avec humour à l’assistance d’avoir l’indulgence de faire semblant de ne pas écouter, manière de ne pas gâcher le plaisir à venir du concert…
La première (et dernière) fois que j’ai rencontré l’homme, c’était lors d’un interview en prélude à la prestation de PORCUPINE TREE à l’Ancienne Belgique en 2007 (voir chapitre 1 : www.intensities-in-tens-cities.eu). Ce fut l’occasion d’échanger sur bien des sujets, et de découvrir l’Homme simple, chaleureux et sympathique qui se cache derrière le remarquable Musicien qu’il est. Passionné de jazz, ses premières amours nous explosent à la figure ce soir au Spirit of 66, par le biais d’une démonstration de force toute en finesse à laquelle il convie ceux pour qui la musique demeure autre chose que des boites à rythme, des samplers et autres bidouillages électroniques. Mais il ne strombolise pas le Spirit ce soir, du moins pas les oreilles de ceux qui – ignares comme le rédacteur de ce billet – espéraient se délecter d’un peu plus d’atmosphère à la porc-épic…
Le Gavin Harrison Band saupoudre son public d’un peu de tout, tiré de ses trois albums. Des arrangements complexes et des compositions alambiquées, le tout tortueusement articulé autour d’un jeu de batterie (presque) sans nul pareil, ne suffisent néanmoins pas à donner à cette exhibition le relief et la chaleur attendue par d’aucuns. Gavin HARRISON reste un grand bonhomme doté d’un jeu d’une remarquable richesse empli de créativité et tout en finesse, mais c’est comme si ses compositions demeuraient froides sur les planches.
Les vocals, presque dissonnantes, sont comme issues d’un autre band, comme provenant d’une autre bande-son erronnément collée sur des compositions dont elles semblent déconnectées, renforçant cette ambiance aseptisée, cette atmosphère trop clinique qu’une guitare parfois jazzy ne réchauffe pas. Ni HARRISON derrière les fûts ni ses comparses ne déméritent, mais disons que la magie n’opére pas particulièrement ce soir, restant sans doute pour ma part trop en attente d’un fumet d’arbre à porc-épic peut-être.
"Sorry fort that so complicated & sophisticated music". Expliquant de la sorte par un second degré bien à propos les bases rytmiques complexes et algébriques sur lesquelles reposent l’architecture de ses brillantes compositions, Gavin Harrison ne pensait pas si bien dire…
J’ai l’immense privilège de pouvoir participer à l’interview du batteur de Porcupine Tree pour compte de la VRT l’après-midi du concert de l’AB à Bruxelles. Contrôle d’identité, arrivée backstage, puis petits rafraichissements à la cafétéria où nous sommes invités à nous désaltérer en attendant l’heure H. Les membres de Anathema (qui assure la première partie) sont en train de deviser entre eux, attablés à côté de moi, puis arrive John Wesley suivi de Steven Wilson qui viennent également se rafraichir et manger un morceau. Il me faut résister à l’envie de me lever et aller leur serrer la pince en leur disant tout le bien que je pense d’eux et les noyer de mille et une questions, mais non : je reste paisiblement assis non loin d’eux comme si de rien n’était, je sirote mon café, ils sirotent leur café, nous sirotons notre café – du verbe siroter son café. L’heure de l’interview arrive: trois médias sont présents, l’un hérite de l’interview avec Steven, l’autre avec John et nous avec Gavin Harrison. Trois interviews simultanées d’une vingtaine de minutes dans trois loges différentes – et sans photo, nous enjoint le tour manager (shit !).
Gavin est un mec affable et disert à souhait, posé et pondéré, calme et loquace dans ses réponses – bref : ce qu’on appelle tout simplement un mec bien ! Nous le promenons dans l’histoire de Porcupine Tree qui a croisé un beau jour la sienne, batteur jazzy de formation, avant d’intégrer finalement le groupe il y a quelques années. On aborde son passé dans le swinging London ainsi que ses relations avec… Neil Peart que je découvre en cours d’interview. Contacté afin d’être derrière les fûts le temps d’un morceau du Fear Of A Blank Planet, Neil décline pour des raisons pratiques avant de refiler l’invitation à… Alex Lifeson. Voilà qui explique sa présence sur l’album, aux côtés notamment de Robert Fripp (dont Gavin est en outre batteur occasionnel). Le temps passe à une vitesse incroyable et l’on se retrouve en fin du créneau horaire imparti sans avoir eu le temps de dire ouf ! On se serre cordialement la pince en guise d’au revoir, petite dédicace à la clé sur la pochette du CD apportée tout expressément. Bye bye. On jette un œil dans la salle de concert – les roaddies sont en train de monter le matos – avant de ressortir sous un soleil bien chaud pour la saison temps. Vivement ce soir, car après un tel après-midi déjà…