Neil YOUNG – Bruxelles – 30 juin 2025

Avec près de 20 minutes de retard sur l’horaire, il est 21h48 lorsque le Loner arrive nonchalamment sur les planches – mais comment pourrait-on tenir rigueur de cette nonchalance à un quasi-octogénaire? Casquette vissée sur le crâne et t-shirt arborant une feuille d’érable dorée que ne dissimule pas une vieille chemise délavée négligemment chiffonnée et ouverte par-dessus le tout, celle-ci s’avère bien vite superflue par les plus de 30° qui sévissent encore sur la capitale.

Une chance sur 500 ? Avions-nous une chance sur 500 ? En tout état de cause, ce 30 juin 2025 est notre jour de chance, une date à marquer d’une pierre blanche: en cette divine soirée, Neil YOUNG nous offre une véritable expérience de mort imminente en nous gratifiant d’un Be the Rain (époque Greendale) que nous n’attendions pas ni n’osions jamais espérer, même dans nos rêves les plus fous ou dans nos attentes les plus inconsidérées, pièce d’anthologie qu’il enchaine immédiatement après un Sugar Mountain (composé il y a… 60 ans) introductif qui installe une douce nostalgie presqu’intimiste qui ne dure qu’un instant.

Si le moment est solennel, s’enchaînent à cette pièce d’anthologie un tout aussi explosif Love and Only Love, un emblématique Cinnamon Girl, un décapant Hey Hey, My My et un Like a Hurricane à vous faire dresser les poils sur l’échine. Cette démonstration d’une heure trois quarts alterne (un peu de) gant de velours folk et (beaucoup de) gant de boxe rock’n’roll avec un son de guitare aussi impeccable que puissamment saturé.

Tout y passe, de When you Dance à Harvest Moon et tant d’autres encore – il veut notre mort, c’est certain ! – assénant le coup de grâce lors de l’unique rappel avec un seul Keep on Rockin’ in the Free World à rallonge qui atomise littéralement la Place des Palais qui était déjà à genoux. Totale déflagration, avant que Neil YOUNG quitte définitivement les planches après un ultime salut.

Si le Loner foule probablement pour la dernière fois le sol de notre Royaume d’absurdie (ce que nous écrivions déjà en toute lucidité il y a 6 ans lors de son dernier passage au Sportpaleis d’Anvers) à la veille de ses 80 ans, il demeure définitivement l’un des derniers voire le dernier des monstres sacrés encore actifs sur le circuit (on ne parle pas des momies mortes-vivantes qui errent encore de-ci de-là entre deux rails et trois amphet).

Avec Be The Rain, Neil YOUNG ne nous a non seulement pas terrassé, foudroyé mort-debout en nous faisant perler des larmes d’émotion au coin de l’oeil, mais il aussi (dé)livré un message qu’il hurle à la gu… de la Planète depuis des décennies, dénonçant haut et fort bien avant tout le monde l’aveuglement qui nous mène droit dans le mur du suicide collectif. Son message revêt aujourd’hui une acuité plus effrayante encore alors que Bruxelles est terrassée par la canicule et que les pavés de la Place des Palais rendent plus insupportable encore le dôme de chaleur qui s’est abattu sur l’Europe depuis quelques jours.

Mais pas de grands discours de sa part, ni d’anecdote non plus, une forme de pudeur scénique qui contraste avec la puissance émotionnelle de ses titres. Neil YOUNG est un musicien qui n’a rien perdu de sa fougue, pas un entertainer, qui nous livre un concert habité, intense, sincère et sans artifice ni fioriture une heure trois quart durant. Juste des instruments, des guitares, des amplis et une envie intacte de jouer.

YOUNG nous offre le set parfait parcourant plus de 6 décennies d’une carrière et d’une production sans nulle pareille, alternant Fender testostéronée, gratte acoustique & harmonica – comme ce Sugar Mounatin qu’il performe seul en ouverture de show sur une scène bien trop grande pour lui avant que le rejoignent pour un galop endiablé ses remarquables Chrome Hearts qui réussissent même la gageure de nous faire oublier Crazy Horse.

Le dernier des Mohicans n’a sans doute pas encore dit son dernier mot ni balancé son dernier riff, mais peut-être le vieux lion a-t-il avalé ce soir son dernier waterzooi en terre belgicaine. Total respect, Mr. YOUNG, et en espérant que vous vous accrocherez violemment avec votre espèce de président qui vous attend de pied ferme pour diffamation lors de votre retour chez vous aux States: entre octogénaires, l’autre ne fait pas le poids et n’a pas votre légitimité, votre aura, ni votre charisme. Il ne vous arrive même pas à la semelle…

Note spéciale à nos gentlemen farmers gascons : quelle meilleure première partie que The INSPECTOR CLUZO pour chauffer un public qui n’en demandait pas tant ? Porte-drapeaux militantistes délivrant un message en parfaite synergie, adéquation et communion avec celui du Loner, ils ont fait le job – et bien plus encore.

Now online : Festival CABARET VERT feat. WOLFMOTHER, DROPKICK MURPHYS, The INSPECTOR CLUZO,…

Alignement des planètes. C’est ainsi que s’achève ce 17ème voyage dans la galaxie Cabaret Vert. Pour les plus vaillants, 5 jours, 5 nuits suspendus dans une bulle végétale à se laisser glisser au cœur des 5 planètes – 5 scènes – si singulières et magiques de ce Cabaret multiVer(t)s. 2.500 bénévoles soudés et passionnés soutenus par 600 partenaires plus engagés que jamais, 335 journalistes accrédités et une foule de 127.000 festivaliers heureux, divers et joviaux qui a parcouru – avec délice – les sous-bois, les allées et pelouses de la plaine de la Macérienne. A chacune de ces scènes, son univers, son esthétique et ses codes, ses styles et son cachet pour y accueillir 130 artistes…

La reformation bouillonnante (bordélique ?) et déchaînée d’ENHANCER ou encore la prestation habitée de WOLFMOTHER sans oublier la bonne humeur de DROPKICK MURPHYS ou le set déjanté d’INSPECTOR CLUZO mais aux propos tellement en phase avec l’ADN du Cabaret Vert. Et puis DINOS, CYPRESS HILL et tant d’autres.

Now online et déjà dans notre GALERY Facebook  » From backstage to frontstage. NO Photoshop. NO Ligthroom. NO RAW format. NO numeric nor digital overdub : ONLY pure one-shot JPEG « 

CABARET VERT – feat. WOLFMOTHER, DROPKICK MURPHYS, The INSPECTOR CLUZO, ENHANCER, etc. – Charleville Mézières – 19 août 2023

Faut-il continuer de faire la fête sur une planète en feu ? Un festival de musique où on limite la viande, on privilégie les produits locaux et où on trie et revalorise les déchets tout en luttant contre le gaspillage alimentaire : ça semble un peu irréel. Pourtant, c’est ça le Cabaret Vert, festival durable depuis sa création en 2005. De la restauration à la programmation, tout y est pensé pour abimer le moins possible la planète tout en prenant son pied. C’est pour ça que les festivaliers reviennent invariablement chaque année. Et c’est aussi pour ça que le Cabaret Vert conserve sa place de choix dans notre carré d’as des festivals à vivre.

Parce que son ADN, aussi unique qu’authentique, réserve la part la plus belle qui soit au développement – qu’il soit territorial, social, écologique, humain, environnemental, durable, culturel, associatif… voire gastronomique et zythologique pour les amateurs de bonnes choses à offrir au palais.

On ne vient pas au Cabaret Vert pour consommer du musical et du festif, on s’y rend pour en faire intrinsèquement partie, comme si une part de chacun des festivaliers y retrouvait à chaque édition ses composantes manquantes le temps d’une ou de plusieurs journées. Et une fois encore, l’association FLAP à la manoeuvre a mis les petits plats dans les grands en re-designant et en agrandissant le site lors de la précédente édition.

De larges barges enjambent désormais la Meuse pour permettre aux festivaliers de rejoindre le bois attenant qui accueille en son sein la Green Floor Stage (qui n’a jamais aussi bien porté son nom), manière de prolonger les festivités sur l’autre rive, sous une canopée bienvenue par ces fortes chaleurs. La scène Razorback, elle aussi déplacée, est fidèle à elle-même dans son décorum apocalyptique et de fin du monde à la Mad Max. Quant aux deux mainstages (Illuminations et Zanzibar), elles se partagent la part du lion drainant et répartissant judicieusement le public aux deux extrémités du site. Et en son beau mitan, indétrônable, est installé en dur un « Espace « Partenaires – Médias » » toujours aussi confortable, aussi cosi et agréable. Sa carte est fidèle à elle-même, offrant à chaque édition le meilleur qui soit en mets délicats, produits du terroirs et autres trappistes (… belges) et bières (semi) artisanales tant noires-jaunes-rouges que rouges-blancs-bleues.

Quant à la programmation, le côté éclectique de l’affiche musicale (car il y a bien d’autres affiches au Cabaret Vert) ne se dément pas, laissant une part belle aux diverses variantes du rap, du hip-hop et de la musique urbaine, avec une journée de samedi qui concentre pour sa part l’essentiel du real rock’n’roll sous ses divers formes et tendances. Musicalement parlant, notre coup de cœur est signé bien WOLFMOTHER, les Australiens mettant ici-même fin à la première partie de leur longue tournée mondiale qui va reprendre à la rentrée outre-Atlantique.

Première surprise du jour : Andrew Stockdale se pointe en fin d’aprèm sur l’immense scène Zanzibar en configuration quatuor et non pas/plus power-trio. Ce line-up lui permet plus d’une fois de tenir son véritable rôle de front-man lead-singer sans s’encombrer de sa/ses six-cordes pour jouer les divas à l’avant-scène. Tout comme nous, il a (un peu) vieilli notre Andrew, et perdu son faciès juvénile maintenant garni d’une moustache du plus moche effet. Aurait-il également pris un (tout petit) peu de brioche ? Bien, bien moins que nous manifestement…

Pour le reste, rien n’a changé depuis notre dernier (qui fut aussi notre premier) face-à-face avec WOLFMOTHER. Coïncidemment, il remonte à l‘édition 2016 du Cabaret Vert, même scène et (quasi) même heure, avec un même soleil bas et une même lumière rougeoyante de fin d’après-midi. Et les mêmes collègues dans le pit-photo. La force brute et l’énergie intacte que dégage le band remanié n’a cependant pas faibli d’un iota, que du contraire même, conférant au moment présent une singulière impression de retour dans le passé. Comme si nous avions été propulsé dans nos souvenirs le temps d’un set, revivant une seconde fois ce beau jour d’août 2016.

La reformation bouillonnante de ENHANCER reste quant à elle un autre moment fort de ce samedi de festival – à tout le moins pour ses nombreux afficionados, et plus encore sans doute pour le service de sécurité, un tantinet voire tout à fait dépassé par les événements lorsque le collectif invite le public à envahir la scène pour ajouter au délire.

Avant que cette vague humaine n’atteigne la scène par le sol ou par les airs, la cohue se concentre dans le pit-photo envahi par une foule qui tente on ne sait trop ou d’atteindre la scène ou de sauver littéralement sa peau en tâchant de s’extraire de la pression intenable que subissent les premiers rangs pressés contre les barrières.

Ou quand des photographes assistent la sécurité pour en extraire voire sauver des vies – oui, peut-être. Faire évacuer ensuite cette scène joyeusement bordélique et surpeuplée sera une autre paire de manche pour les renforts de la sécurité entre-temps arrivés à la rescousse.

En définitive et hormis ces quelques instants particulièrement irréels, il en résulte un set d’une énergie dingue-folle où les Français renouent avec un public acquis à leur cause et manifestement en manque, même si ce métal-rapcore de la plus pure veine new-yorkaise ne nous convainc pas franchement, musicalement s’entend. En termes d’efficacité et d’énergie, de présence scénique, oui et sans nul doute oui. Tout ce barnum se révèle toutefois bien fade et sans âme aucune une fois sur une platine de salon.

The INSPECTOR CLUZO, ah! ces deux inspecteurs rock-farmers que chérissent notre coeur et nos oreilles ! The INSPECTOR CLUZO, duo guitare/batterie d’agriculteurs bio rock-blues s’auto-produisant depuis 15 ans, sont bien le reflet même de l’ADN du Cabaret Vert. Vous en connaissez beaucoup, vous, qui ont arpenté les scènes de Madagascar, du Chili, du Brésil, d’Afrique du Sud, de Corée (du sud !) ou de Chine, du Pérou et d’Inde après avoir fait le Lollapalooza ou encore le Fujirock au Japon?!

Deux cultos bio-rock-blues, quoi de mieux pour enflammer le Cabaret Vert avec leur philosophie et leur démarche en totale symbiose avec celle du festival ?! Et pour le côté musical, The INSPECTOR CLUZO demeure une sulfateuse de premier choix pour l’amateur de rafales et de pruneaux (bio ou pas, les pruneaux), du moins avant que les lascars ne dézinguent la batterie et balancent tout le matos dans le public !

Aux antipodes du rap de DINOS, à l’autre extrême du spectre de ce que la France peut – et le Cabaret Vert veut – offrir en matière de production et de programmation. C’est ça aussi, le Cabaret: ça ratisse large et tu mets dans ton caddy uniquement ce qui te plait. A l’instar du gangsta-rap de CYPRESS HILL qu’on laissera également en rayon, notre caddy étant suffisamment chargé.

L’ambiance que déverse DROPKICK MURPHYS sur scène est contagieuse sur la plaine de la Macérienne: c’est la Saint-Patrick en plein mois d’août (même si on préfère la Guinness à la bande son…). Avec leur sens de la fête et leurs fredaines entrainantes, il n’y a pas à dire mais ces Amerloches s’y connaissent pour foutre le brin et faire jumper tout le public comme un seul homme.

Le métal de SLEEPTOKEN nous emmène quant à lui dans une tout autre dimension: même si leur identité demeure toujours parait-il inconnue derrière leurs masques à la Slipknot, on n’a pas besoin de cet inutile artifice ni de ces déguisements pour apprécier le set de la révélation britannique de l’année 2021 (nous glisse-t-on dans l’oreillette). Le bright métal (kesako?) du quintet fransquillon de RISE OF THE NORTHSTAR nous entraîne pour sa part dans cette étrange fusion entre métal moderne, musique urbaine et culture pop japonaise. Etrange mais réussie, la fusion, avec comme de temps en temps un petit arrière-goût pas déplaisant de Gojira qui voit le groupe pousser tous les curseurs toujours un peu plus loin. Mais le garage-rock-psyché avec une touche de fuzz que déploie The DRAMA KINGS confirme le fait qu’il n’y a quand même rien de tels que les power trios.

En définitive, ça se passe comme ça, au Cabaret Vert. Après ce succès populaire, le festival se projette vers l’avenir avec détermination et l’envie de continuer à explorer de nouvelles idées et tester de nouveaux projets. Vivement les 15, 16, 17 et 18 août 2024 ! Au loin, festivalier, tu vois cette douce lumière dans le vide sidéral entre les atomes et la matière, elle brille. comme toi. Tu ères dans le noir absolu à la poursuite de ce phare intergalactique. II n’existe plus rien à part ton esprit vagabond à la poursuite d’un mirage s’éloignant peu à peu. Chaque seconde parait aussi longue qu’une existence terrestre, le temps n’existe plus. Puis, un flash, un grand boum, c’est le Big Bang. L’Univers est un cycle : détruire et reconstruire inlassablement. Ce n’est pas la fin, relativisons, juste le début d’un nouveau périple