Revisited, certes, mais pas que: on pourrait même dire Revisited & Featured. Car nous avons le JEAN-PIERRE FROIDEBISE Trio en entrée et ALAIN PIRE EXPERIENCE en hors-d’oeuvre ou mise en bouche : peu importe l’appellation des plats et des mets pour autant qu’on ait l’ivresse quand tout ce beau monde déboule ensuite côte-à-côte sous la bannière SUCH A NOISE Revisited… Now online et déjà dans notre galerie des portraits…
Étiquette : Spirit of 66
On peut parfois constater un décalage plus ou moins prononcé, voire certain, entre l’âge moyen de l’assistance et celui des artistes qui se produisent devant elle. A l’inverse, comme ce soir, la parfaite similitude générationnelle aurait presque tendance à s’appliquer en toute symbiose des deux côtés du miroir: les PIRE – COCO – FROIDEBISE & Cie n’ont rien à envier à l’âge moyen de celles et ceux venus se plonger dans un bain de jouvence dénommé SUCH A NOISE (revisited). C’est dire combien on peut parfois se sentir jeune, malgré le poids des années, au milieu de tous ces bienheureux pensionnés (… ah ah ah).
Ceci dit, tous ces jeunes soixantenaires qui se partagent la scène ont juste un peu plus de bouteille que la rappeur (très, très) moyen qui truste le top-streaming ou que la midinette de variété qui nous gonfle, fusse-t-elle conçue par de célèbres parents ou d’illustres inconnus. Nos lascars sont en capacité d’utiliser un instrument (chose pas toujours fréquente en 2021 dans le music business), sont en mesure de composer (pas donné non plus au premier interprète venu) et surtout de faire parler la poudre mieux que quiconque. Ils nous le démontrent tout au long d’un repas trois services avec au menu le FROIDEBISE TRIO qui ouvre le gueuleton par un set propret marqué de quelques remarquables envolées guitaristiques dans le style tout ce qu’il y a de Froidebise. Ceux qui connaissent comprendront, les autres non – et comme l’humour ou la philosophie de l’intéressé, il est sans doute inutile d’essayer de leur expliquer.
Avec toujours les mêmes infatigables René Stock et Chris Schöbben à la rythmique basse-batterie, ALAIN PIRE EXPERIENCE enchaîne pour un second set dynamique et échevelé (pour reprendre les termes du maître de cérémonie). Sa démonstration s’impose d’entrée de jeu par trois morceaux tirés de sa dernière et remarquable galette, laquelle rencontre également son petit succès à l’étranger ainsi que sur de lointains continents. Le solo aussi éblouissant que décoiffant et époustouflant que nous livre René Stock restera quant à lui dans les annales du Spirit dont les murs ont dû rarement résonner de telles quatre cordes. Mention toute spéciale au bleu de service qui officie aux percussions, remarquable et brillant remplaçant qui assure avec une frappe chirurgicale un efficace sans-faute tout au long de la soirée. Alain PIRE EXPERIENCE, c’est comme les fricadelles: il y a tellement de trucs et d’ingrédients qui viennent d’on ne sait où et qu’on peut y retrouver là-dedans, tellement de saveurs et de condiments aux goûts indéfinis mais comme un peu connus, qu’on ne sait finalement jamais comment c’est fait. Mais une chose est certaine: on s’en ferait péter l’ panse tellement qu’ c’est bon – comme diraient des traîne-misères ou des ramasse-mégots à l’ baraque à frites.
Le plat de résistance est ensuite servi sur un plateau d’argent à deux poignées, lesquelles ont pour nom Jean-Pierre FROIDEBISE stage left et Alain PIRE stage right. Fine fleur et mauvaise herbe, ou vice-versa. Pas de répit pour Marcus et Chris qui continuent d’assurer grave et de dépoter pour ce 3ème set, avec une époustouflante rythmique qui porte au pinacle les deux lead guitars qui se relaient autour du revenant de service aux vocals: Jean-Pierre COCCO himself, porte-parole du lobby belge du chewing gum depuis quelques décennies. Ce SUCH A NOISE Revisited charpenté de trois de ses piliers nous replonge ainsi dans la glorieuse époque que les moins de 20 ans ne peuvent comprendre ni même appréhender: celle où l’insipide mainstream ne trônait pas encore en haut des charts et où le real rock’n’roll trustait le top des programmations. Mais qu’est-ce qui a donc merdé depuis lors ? Quand et pourquoi est-ce que ça a foiré…?

Après sa flamboyante prestation de cet été au Blues Festival de Gouvy, retour en Belgique de notre Finlandaise préférée pour une seule date – en l’occurrence sur les planches du Spirit of 66 cette fois-ci, lequel reprend quelques couleurs après avoir vaillamment affronté catastrophes sanitaire et climatique.
Maintenant online… et clichés originaux en primeur dans notre Hall of Fame
Tel le phénix, le Spirit of 66 renaît de ses cendres. Non seulement victime d’une année et demi de crise sanitaire à l’instar de tout le secteur événementiel, ce haut-lieu du circuit a en outre subi de plein fouet le tsunami qui a frappé Verviers en juillet dernier. L’épais et robuste volet métallique, rideau de fer, a joué à merveille son rôle protecteur en évitant que le ras-de-marée ne ravage tout l’intérieur du club comme ce fut le cas dans toutes les habitations voisines. La Place des Martyrs n’a jamais aussi bien porté son nom, et le décor de désolation demeure tel près de quatre mois après la catastrophe meurtrière. Quelques décimètres d’eau « seulement » ont occasionné d’importants dégâts aux sols et sous-sol du club, mais ont épargné la majeure partie du matériel et des murs – toute proportion gardée évidemment. Et le grand cirque de reprendre progressivement place au Spirit depuis le mois dernier déjà, grâce à la solidarité et aux incroyables efforts de rénovation et de réparation déployés par le patron des lieux.
Le show de Erja LYYTINEN au Spirit of 66 est pour nous particulier à plus d’un égard. Tout d’abord parce que notre tout premier concert à subir les affres du lockdown sanitaire du printemps 2020 fut celui de Russ BALLARD prévu ici-même le 14 mars 2020. Principe de précaution: le concert fut annulé par un Russ pour le moins visionnaire, quelques jours seulement avant que le confinement généralisé ne soit édicté par les autorités européennes. Comme une relique du Monde d’Avant qui nous inciterait à ne pas l’oublier, l’affiche de cette tournée annulée en dernière minute demeure – comme un coup de poing dans la figure – en bonne place à l’entrée du club, nous rappelant le caractère dramatique de cette époque exceptionnelle et peut-être pas révolue.
Le concert de ce soir est ensuite particulier dès lors que le premier show auquel il nous ait été donné de prendre part après ces confinements à répétition fut précisément celui d’Erja LYYTINEN, à l’occasion du Blues Festival de Gouvy début août dernier. C’est dire combien son concert, et de surcroit ici-même, représente une double charge émotionnelle et symbolique d’un début et d’une fin (provisoire?) de crise…
Notre Erja, toute en professionnelle qu’elle est – et toute en nordique beauté – débute son set à l’heure précisément dite (20h30) devant une audience modeste mais enthousiaste. 40 minutes plus tard, la Finlandaise d’annoncer une pause avant de relancer ensuite la machine pour un second set nettement plus énergique et plus convainquant – entendez plus emballé et plus emballant. Même les réglages de la sono semblent mieux ajustés à une prestation qui s’en ressent manifestement.
En toutes choses, la première fois demeure éternellement la première de toutes. Il en va de même pour Erja LYYTINEN dont notre première expérience avait laissé en nous une impression absolue. Il semble en être différemment ce soir, à l’issue d’une prestation plus irrégulière marquée de momentums inégaux à mettre peut-être également sur le compte d’une audience moins portante que ne l’était celle de Gouvy cet été. A moins que nous fassions le difficile et la fine bouche, oubliant dans le feu des 6 cordes que la plus belle femme du monde (désignée « The Best Guitarist of the Year” aux European Blues Awards 2017) ne peut donner que ce qu’elle a ?
Ian PAICE demeure le seul membre fondateur de DEEP PURPLE toujours à la manoeuvre au sein du band. Mais comment occuper ses soirées dès lors qu’aucune tournée n’est prévue avant l’automne prochain?
Tout simplement en tournant en featuring avec Pur.pendicular, "le meilleur tribute band de Deep Purple au monde" comme il le concède lui-même. En sus de ne pas perdre la main, ça lui permet en outre de garder la forme en évitant de rester chez lui à picoler dans son fauteuil (sic).
Ce Pur.pendicular n’est pas qu’un tribute band présentant un Deep Purple Best of Classics parmi d’autres. Avec Ian PAICE derrière les fûts à quelques mètres de soi, ça confère à l’événement une dimension peu conventionnelle dans une véritable ambiance club. Et surtout l’occasion de replonger dans un passé iconique avec quelques perles à l’instar de Child in Time, qui ont depuis longtemps disparu de la set-list live officielle de DEEP PURPLE, la voix de Ian Gillan ne pouvant plus se permettre de telles excentricités…
Etre puni par où on a péché, mais aussi disparaître tragiquement au sommet de sa gloire – ou comment Rory GALLAGHER est entré au Panthéon de l’Histoire du RRR (Real Rock’n’Roll) par la toute grande porte. Ainsi se créent les mythes, ainsi les légendes s’écrivent. (Et si l’on est effectivement puni par où l’on a péché, que la prostate de Rocco Siffredi ne défaille pas avant le reste…). Rory avait 47 ans quand son foie a défailli, quand sa greffe a eu raison de lui. Nous n’avions que 30 ans. Il en a toujours 47 aujourd’hui, et nous en avons bien plus maintenant…
D’un blues-rock assez rustique jusqu’à un rock de plus en plus puissant dans les années ’80 avec le cataclysmique live "Stage Struck", GALLAGHER a toujours su garder une sensibilité très bluesy qui le démarquait des autres guitar heros. Jusqu’au triste soir où son corps de 47 ans n’en a plus voulu, de cette saloperie de greffe. Et de tout le reste qu’il lui avait fait endurer.
Nous n’avons eu droit qu’à un seul face-à-face avec la Bête – c’était en 1994 déjà. Rory GALLAGHER, c’était 100% party, 200% no compromission, 300% energy, 400% live on stage et 500% heart & soul. Ce soir à nouveau, les yeux fermés, c’est à s’y méprendre. Car BAND of FRIENDS n’est pas un tribute band : c’est un groupe au sein duquel le destin a, par la force des choses, troqué l’élément fondateur centripète par une symbiose explosive à force centrifuge.
En 35 ans de carrière, l’homme à la chemise à carreaux a vendu des dizaines de millions de disques sans jamais se la péter. Gerry McAVOY, durant vingt ans, a été le bassiste de celui que Jimi Hendrix himself désignait comme le plus grand guitariste. Nous avons déjà rapporté que dans une interview, à la question : "Qu’est-ce que ça vous fait d’être le meilleur guitariste du monde?", Hendrix répondit tout simplement: "Je ne sais pas, demandez à Rory Gallagher".
Gerry McAVOY rejoint donc le premier groupe de GALLAGHER en ’67 à Belfast. La littérature prétend que Rory avait réussi à articuler ses chorus dans une rythmique sous-jacente avec pour conséquence que, lorsqu’il partait en solo, on avait toujours l’impression qu’un guitariste rythmique jouait derrière lui. Cette technique terriblement exigeante fait que GALLAGHER n’a eu que très peu de successeurs. Et à ce petit jeu – ou plutôt à ce jeu de titan – Marcel Scherpenzeel n’a aujourd’hui pas que la consistance de Rory au sein du BAND of FRIENDS mais également son panache et sa flamboyance.
Edward " Ted " McKenna aux drums est le troisième homme du BAND of FRIENDS, lui qui a officié à la charnière des 70′ et des 80’s aux côtés de GALLAGHER également. Le trio ne fait donc pas que célébrer la musique de Rory, c’est également le son, l’énergie, le doigté, l’âme et le charisme de GALLAGHER qui sont à la fête ce soir encore. Encore, encore et toujours.
Y a-t-il d’ailleurs jamais eu autant de sueur qui ait coulé sur les planches du Spirit of 66, autant que ce soir, autant que Rory himself en aurait fait couler?! Too much is not enough: une étoile continue sacrément de briller là-haut, didju…
En débutant son set avec le Imagine de John Lennon mais en version so(m)brement instrumentale, Warren HAYNES rend lui aussi hommage mais à sa manière aux victimes parisiennes des attaques terroristes de vendredi dernier. Avec l’humilité, la décence et la retenue des grands : sans un seul mot introductif, sans une phrase par la suite… Un seul morceau d’entrée de jeu et tout est dit, sans même une allusion plus appuyée pour qui n’aurait pas compris la densité du moment: let the music do the talking….
Accompagné par un remarquable lead violon virevoltant et un banjo tout aussi lead et électrifié, c’est toute une partie du répertoire de GOV’T MULE et des ALLMAN BROTHERS que la clique à HAYNES fait tout à coup sonner fort cajun et Bayou – et ce n’est pas pour nous déplaire. Par contre, le blue grass fort appuyé dans lequel Warren a récemment viré est moins excitant, moins entertaining, mais on s’en accommode. L’acoustique toujours aussi exceptionnelle du Kursaal de Limbourg rajoute à l’esthétique du cadre, même s’il l’on suppute les lieux moins reluisants en pleine lumière qu’ils ne le sont de par la magie d’un light show sobre mais efficace. Welcome back in Europe, Mr. Haynes, ce fut un réel plaisir de se taper l’incruste deux heures et demi durant en votre compagnie, même sans le Mule…
Une heure du matin : le maestro traverse le Spirit of 66 sous les viva et les applaudissements des quelques derniers clients qui sirotent leur ultime (?) bière au bar. Encore un monstre sacré qui s’en repart fier (ou plutôt fatigué) du devoir accompli ! Et quel devoir: plus de deux heures durant, Uli Jon ROTH nous promène à travers les décennies avec un focus particulier sur le mythique – oui, osons le mot – Tokyo Tapes, le bouquet final de sa glorieuse époque au sein de SCORPIONS avant d’en claquer la porte. Concédons que, musicalement, le band déclinera d’ailleurs au cours de la décennie suivante, la richesse des compositions des Teutons prenant peu à peu l’eau jusqu’à atteindre une certaine daube – osons également le terme – à de rares et ponctuelles exceptions près.
Il est de ces groupes seventies à l’instar d’Aerosmith ou de Kiss par exemple qui ne demeurent aujourd’hui qu’un pâle reflet de leur grandiloquence d’antan et de leur flamboyance disparue. 1978: le double-live Tokyo Tapes est synonyme pour SCORPIONS d’une période que les moins de 50 ans ne peuvent sans doute guère imaginer en termes de richesse musicale et de créativité débordante. Si ce n’est ce soir avec ce Scorpions Revisited Tour dans lequel le toujours hendrixien Ulrich nous entraîne avec verve mais sans nostalgie aucune. Accompagné de deux autres lead-guitars, excusez du peu, Uli Jon ROTH évite ainsi de nous bassiner les oreilles (déjà malmenées vu le volume sonore) avec ses délires à la Jimi et parfois à la Yngwie, pour se concentrer sur le meilleur du SCORPIONS vintage agrémenté d’un florilège de son Electric Sun.
Une basse quasi absente en début de show et une guitare rythmique stage right bien trop puissante sur la fin qui troue les tympans, à mettre au passif d’un ingé-son arrivé le jour-même de Suisse par le train pour prendre au pied-levé les manettes de cette fin de tournée sans vraiment connaître les compos: une surprenante confidence du patron des lieux, habituellement moins affable et plus renfrogné… Hormis ce bémol non-imputable au maestro, le toujours aussi my(s)t(h)ique Uli Jon ROTH demeure pour nous dans le 1er cercle : celui des premiers couteaux, et non pas seulement celui des fines gâchettes. Ca tombe très bien quand on trimballe depuis des décennies une dégaine d’indien, avec un bandeau qui fait plus office aujourd’hui de cache-misère qu’autre chose. Tempus fugit, ô tempora, ô mores. Mais quand on n’a plus rien à prouver…