Étiquette : Spirit of 66
Avec ses vocalises (parfois) longues comme un jour sans pain et ses jérémiades et logorrhées qui peuvent (parfois) taper sur les nerfs, le risque existe toujours bel et bien avec Glenn HUGHES de peut-être (… parfois…) nous irriter. Mais il n’en est finalement rien ce soir, que du contraire même: The Voice est en forme olympique mais sans nous infliger un abus de cris d’orfraie.
Le fait qu’il nous confie a-do-rer l’endroit et l’accueil qui lui a est chaque fois réservé par le Francis, semblent ce soir lui donner l’envie de se surpasser et de se dépenser sans compter. Comme dans l’bon vieux temps. Et il n’y a pas à dire mais Glenn HUGHES on le préfère franchement le voir et l’entendre se déchaîner sur sa quatre-cordes plutôt que sur son micro…
La présence de Doug ALDRICH à ses côtés n’est pas le moindre intérêt de cette soirée sous l’égide du Glenn HUGHES Trio. La combinaison des deux figures séduit, et la mayonnaise a manifestement bien pris entre les deux étendards. La mayo tendrait même ce soir vers l’andalouse ou la banzaï tant la recette est corsée au palais. Que souhaiter de mieux pour assaisonner une set-list des plus équilibrées entre de bons vieux Deep Purple et de plus récents Black Country Communion?!
Le trio tient allègrement ses deux heures sur les planches, avec en prime 45 minutes d’une première partie bien décoiffante à l’actif d’un remarquable Jared James NICHOLS que nous découvrons. Avec deux impressionnants power-trios à l’affiche ce soir, c’est 2 heures 3/4 de power-music pour la modique somme de 29 € (… boissons non comprises, quand même): qui dit mieux, par les temps qui courent?! Un Spirit of 66 sold out est bien la preuve qu’on peut encore faire des miracles sans pratiquer l’escroquerie manifeste…
Co-fondateur de SCORPIONS avec son frère Rudolf, Michael SCHENKER nous sert ce soir un best of de la plus riche époque des teutons, mâtiné d’un florilège de UFO et d’une sélection raffinée du MICHAEL SCHENKER GROUP. Que demander de plus?!
L’Allemand se pointe (comme les casques du même nom) bonnet vissé sur le crâne sur lequel semble rivées depuis des années ses lunettes de soleil pour (certainement) protéger la laine de la chaleur dégagée par les lustres. Accompagné de ses 6 Gibson Flying V dont 5 refroidissent alternativement dans leur box, Herr SCHENKER réunit derechef son line up exceptionnel « TEMPLE OF ROCK » identique à celui de 2013, ainsi flanqué de ses deux compères historiques de l’époque SCORPIONS, Herman "Ze German" RAREBELL et le flamboyant Francis Botox – pardon: BUCHHOLZ – qui n’a pas changé en 30 ans (mais comment est-ce Dieu possible?).
L’ex-Rainbow Doogie WHITE aux vocals est un peu à la traîne, avec un organe qui peine manifestement en fin de set à force de passer sans cesse du Klaus Meine à du Phil Mogg et vice-versa. Encore davantage que l’année passée au même endroit – et ce n’est pas peu dire – SCHENKER est jovial et rayonnant, enthousiaste même et d’un entrain plus que communicatif. Oui, aussi étrange que cela puisse paraître, il a l’air de s’amuser et de prendre son pied, le Teuton (son pied mari(teu)ton?). A moins que ce ne soit l’effet Gibson Flying bien coincée entre les jambes…?
L’époque semble presque lointaine où nous n’avions droit qu’à son faciès d’enterrement et à sa tronche d’une morbide froideur proche de l’antipathie et du dédain. Mais, comme nous le confie le patron des lieux à l’issue du set, "C’est que Michael SCHENKER a-do-re littéralement se produire au Spirit". Ce qui ne l’empêche cependant pas de prendre la poudre d’escampette et de se sauver en catimini, bien encadré, dès le set terminé. 1h40 plus tôt, "Doctor Doctor" ouvre comme l’avait fait UFO l’année dernière une copieuse set-list, comme pour laisser penser que ce qui est fait n’est plus à faire (ou plus vite fait plus vite quitte, peut-être ?).
Toujours est-il que ces 100 minutes de bonheur ravissent un public comblé composé d’une horde de fans du SCORPIONS de la première heure, à peine plus nombreux que les aficionados de l’ovni UFO et tous réunis par une même délectation pour les compos du MICHAEL SCHENKER GROUP. Et que dire lorsqu’il rend hommage à Ronnie James Dio?! Pour la petite histoire, restera cependant à préciser à Francis Buccholz que Verviers est situé en Belgique et non pas en France. Mais ne soyons pas mauvaise gueule: c’est vrai que nous sommes si loin de l’Allemagne, ici à Verviers…
(Concerts encore antérieurs de Michael SHENKER au Chapitre 1 "The Vintage Years 1978-2011")
Alleï, une fois n’est pas coutume, inspirons-nous de l’excellente review du dernier album de NASHVILLE PUSSY parue dans l’édition de septembre 2014 de "Classic Rock Magazine" afin de partager l’ambiance de ce 13 octobre 2014 dans la fournaise du Spirit of 66.
Let’s go !
"Unashamed party animals, NASHVILLE PUSSY haven’t sounded this strong since debut album Let Them Eat Pussy in 1998. Atlanta’s fiery four-piece clearly don’t give a damn, they’re just doing what comes naturally – and that means pulling together references from Motorhead, Ted Nugent, Aerosmith and Skynyrd, alongside a huge dose of redneck attitude, while never losing their ribald sense of humour".
"It’s obvious on Everybody’s Fault But Mine, which owes something to Mountain, and carries on through the Motorhead-fuelled Rub It To Death and Spent. They then hook up the trailer to the ZZ Top snout for Beginning Of The End before getting countrified for Tray For Cocaine, Hooray For Tennessee. This is Skynyrd with tongues in cheek, while Pillbilly Blues hitches a ride to an AC/DC groove circa Let There Be Rock, and Pussy‘s Not A Dirty Word could belong in the Aerosmith box. Yep, this is loud American rock’n’roll, with no frills, no regrets".
Que dire de plus ?! Qu’ajouter, puisque tout est dit, bien dit et si bien écrit qu’en rajouter ferait tache et caisse de résonance. Et avec d’entrée de jeu Keep on Fucking, la messe était dite dès la première note – même pas besoin d’attendre la consécration, d’autant plus qu’on communiait au Jack Danniels et à la Jupiler sur la scène. NASHVILLE PUSSY reste un band à part, et comme José, a le râble tanné. Ca doit être ça, notre version bien de chez nous du redneck. Le Spirit of 66 n’a jamais si bien porté son nom, avec ces effluves de Jack Danniels qu’on pouvait humer à des lieues.
Est-il besoin de rappeler que NASHVILLE PUSSY fait référence à une phrase que Ted Nugent éructa un beau soir sur scène dans le Tennessee? L’occasion de se passer et repasser ce morceau d’anthologie qu’est Wang Dang Sweet Poontang sur l’abum Double Live Gonzo ! où, tout en délicatesse et en finesse comme à l’accoutumée, le Nuge de dédier de la sorte ce morceau à la gente féminine locale. Ite missa est: allez en paix et ne péchez plus Brothers & Sisters…
(Deux précédentes reviews de NASHVILLE PUSSY en texte & photos : 2002 et 2009)
Exactement 10 ans jour pour jour après sa dernière prestation sur ces mêmes planches (http://www.intensities-in-tens-cities.eu/tag/Vanilla%20Fudge), un des plus vieux bands encore en activité retrouve l’intimité du Spirit of 66 à Verviers. 10 ans jour pour jour, et pas moins flamboyantes pour un sou, nos trois icônes – Tim Boggert a de fait décidé depuis lors de remiser sa quatre cordes au vestiaire de sa carrière, s’estimant atteint par la limite d’âge. Il est remplacé par rien de moins que le bassman de Cactus. Restent néanmoins ce soir trois véritables monuments sur les planches pour une prestation de près de deux heures. Groupe majeur dont l’influence sur les grands de l’histoire du rock est indéniable, les icônes du FUDGE ressurgissent intactes d’une époque révolue et d’un passé remontant aux sixties, lorsque même Led Zeppelin assurait leur première partie.
Réaliser qu’il s’agit bien ce soir des mêmes légendes est une gageure ! La musique du FUDGE demeure à l’image de ses géniteurs et de ses concepteurs, et en l’occurrence de ses performers : d’une étincelante modernité et d’une fraîcheur exceptionnelle par ailleurs parfaitement impossible de dater. Sans pour autant recourir au carbone 14, Mark Stein a l’allure d’un jeune premier derrière son Hammond – et quelle exceptionnelle sonorité, cet Hammond : à quand son classement au patrimoine (im)matériel de l’Unesco?! Carmine Appice est tout sourire en défonçant ses fûts comme il y a 50 ans, et Vince Martell réinvente le toucher de guitare comme si de rien n’était. Et ces voix, quelles célestes harmonies lorsque tout quatre jouent des lead vocals : ce n’est plus le Spirit, c’est une cathédrale. Ce n’est plus Verviers c’est le Vatican. Ce n’est plus de la musique, mais du véritable miel…
La quintessence du band réside cependant ailleurs encore que dans l’exceptionnelle longévité de son oeuvre – à l’image de celle de ses auteurs : c’est dans sa simplicité et dans sa générosité mêmes. Tels de jeunes premiers, ils resteront tous quatre une bonne heure durant au merchandising à deviser de-ci de-là jusqu’au dernier client, avant de rejoindre leurs appartements backstage. Quand ils en ressortiront un à un, ce sera dans un club dorénavant vidé de son public.
Mark Stein (plus très frais ni net semble-t-il…) vient se planter tout seul devant nous, en équilibre sur le tabouret de la table de mixage, attendant comme une momie ses comparses – dont Carmine tout de noir vêtu qui se fond dans les tentures tout aussi noires d’un recoin de scène désormais vide: les lunettes sur le nez, il tapote son smartphone d’une main, tenant de l’autre quelques cintres en guise de garde-robe de costumes de scène. Vince Martell ferme plus tard encore la marche, d’apparence tout fringuant mais nous marmonnant que son organisme est cependant resté bloqué sur le fuseau horaire des States.
Et ces trois légendes vivantes de quitter nonchalemment le Spirit pour rejoindre dans le noir on ne sait trop quel lieu. Le patron qui tournait impatiemment en rond peut maintenant – enfin ! – fermer la boutique. Une soirée décidément bien hors-normes avec des formats tout simplement hors-normes également. Hors-norme, VANILLA FUDGE le reste au sens propre du terme, reléguant proprement la meute de ces cinq dernières décennies dans les cordes bien tristounettes d’une normalité qui ne sera manifestement jamais sa marque de fabrique. A dans 10 ans donc, même jour, même heure, même endroit…
AC-DC qui joue désormais sans Bon Scott est-il un tribute à AC-DC ? Le dernier show de LED ZEPPELIN sans John Bonham était-il dès lors le fait d’un tribute band ? Quand BLACK SABBATH tourne sans Bill Ward, est-ce pour autant un ersatz du Sabbath ? Il en est de même pour le Rory GALLAGHER’s Gerry McAVOY’s Band of Friends : Rory GALLAGHER est de retour sur les planches ici-bas, point barre – et si ce n’est (quand même) pas le cas, c’est tout comme !
Ses comparses historiques le lui rendent bien durant près de 2 heures époustouflantes de bonne humeur, de complicité et de sueur en veux-tu en voilà. « Mon français est de la merde, my german is scheiße, my English is shit but my Irish is very good ! » : le ton est donné et il en sera de même toute la soirée avec un McAvoy plus excité que jamais. Pour leur part, les quelques Flamands ne doivent pas spécialement apprécier l’imitation gutturale et burlesque (satirique ?) de leur dialecte par McAvoy manifestement en verve et en très, très grande forme ce soir ! Ses clins d’yeux au Marcel pour qui il fait notamment entonner un « Happy Birthday » collectif se couple à d’autres souvenirs partagés d’anecdotes vécues aux côté de Rory. Quand on écoute McAVOY en narrer une remontant à 1973, un frisson nous parcourt l’échine en pensant qu’il y a 40 ans, le fidèle Gerry était déjà sur les planches aux côtés du Patron. Et avec la même Fender Precision Bass désormais vintage qui porte les stigmates de quatre décennies d’outrages et la patte (ou plutôt la griffe) de chacun des albums de Rory.
Si Ted McKenna à l’impressionnant pedigree est arrivé pour sa part sur le tard à leurs côtés, le sourire comme gravé de naissance que son faciès arbore en permanence amplifie naturellement les éclats de rires et autres signes extérieurs de très, très grand contentement complice qu’expriment McAvoy & Marcel « Rory » Scherpenzeel. Ces trois là nous en foutent plein la g… et il s’en faut de peu de recevoir un coup de manche dans les gencives alors qu’ils jouent au plus près du public comme pour mieux communier avec le Boss et ne faire qu’un en hommage au regretté Rory. "Il" est bel et bien présent parmi nous ce soir, au milieu, au-dessous, devant, derrière, partout… Rory n’aura jamais fait le disque de trop, que du contraire : sans doute le mythe réside-t-il dans cet état de fait. Des pointures pareilles celebrating the music of Rory GALLAGHER qui chaussent aussi large, ça ne se trouve pas chez le premier cordonnier venu : blood and guts, était-ce le concert de l’année au Spirit… ?
Avec Alain en concert, il y a PIRE sur scène ! Ah ah ah ! on a dû la lui faire 1000 fois celle-là, mais jamais nous, alors hein bon… Il était une époque (révolue) où la musique n’était pas encore devenue un produit de consommation de masse. Elle n’était pas non plus vomie de manière virtuelle et dématérialisée où qu’on aille, où qu’on soit, quoi qu’on fasse, à tout moment et à toute heure du jour et de la nuit. A cette époque, les groupes qui perçaient n’étaient dès lors pas le fruit du hasard, ni l’oeuvre de manchots, ni de fils-à-papa ni de pistonnés de majors. Ni des bourrins mal dégrossis ou pas encore secs derrière les oreilles comme tous ceux qui encombrent aujourd’hui les réseaux, le net et les radios. SUCH A NOISE faisait partie de ceux-là, de ces groupes qui en avaient dans le froc. Et on peut encore dire ce soir, sans forcer le trait, qu’on n’a sans doute pas fait grand chose de mieux en Belgique ces dernières décennies dans ce créneau. C’est assurément le moment fort de cette soirée-anniversaire au cours de laquelle Alain PIRE décide de passer le cap des 3×20 entouré sur scène de ses groupes actuels, jeunes ou moins récents !
SUCH A NOISE, c’est un power-quatuor aux compos percutantes, entre les mains expertes de pointures inutiles de nommer ici – ce serait leur faire injure. C’est assurément LE concert de la soirée-quadruple shows qui retient le jubilaire plus de 3h30 sur scène en compagnie de ses comparses plus ou moins interchangeables se succédant au gré des formations qui s’enchaînent.
Effets 3×20 ou pas à mettre au passif de l’intéressé, toujours est-il que pas de pulvérisation de guitare ce soir sur les planches du Spirit: un concert de SUBSTITUTE qui ne se clôture pas en apothéose par My Generation et désintégration de guitare est-il vraiment un concert de SUBSTITUTE…? La question reste posée. La set-list mentionnait pourtant bien le titre, alors allez savoir si le vieux voulait se préserver les reins pour le reste ou quoi ou qu’est-ce…
Alain Pire Experience s’en suit avec un bien trop bref aperçu qui ne fait que nous donner l’eau à la bouche de ce que sera le prochain album de ce tout nouveau projet. Place enfin à ABBEY ROAD pour terminer en fanfare cette soirée. N’auront manqué ce soir sur les planches du Spirit que Michel Drucker Experience, Huy!, Les Révérends du Prince Albert, Flouze (avec ou sans Jo Lemaire), Burning Plague, etc. Mais il aurait alors fallu une nuit entière pour faire honneur à la prolixité de l‘animal. Pour ces 70 ans peut-être. Avec Alain sur scène, il y a Pire en concert disions-nous donc…
4 concerts & 4 pays à l’agenda de ces 10 derniers jours: it’s a hard day’s night… Le dernier show de ce tir groupé ne restera cependant pas dans les mémoires comme le plus savoureux de UFO. Un line-up amputé de longue date de Michael SCHENKER et de Pete WAY ne réduit certes pas UFO à une partie congrue qui ne serait pas digne d’intérêt, mais cette configuration de l‘ovni souffre néanmoins d’un handicap non négligeable pour qui a connu une vie antérieure à celle-ci.
D’entrée de jeu, Phil MOG semble avoir du plomb dans l’aile, comme au ralenti et sur un petit nuage même si l’on réalise en cours de show et après soirée que c’est probablement le poids des ans (ou une tête-dans-le-cul ?) qui l’amolit et l’anesthésie au point d’en perdre son légendaire mordant. A l’image d’ailleurs d’un UFO qui, de manière générale, manque manifestement de mordant ce soir à l’instar d’une sono relativement faiblarde également – ou du moins pas des plus couillues.
D’emblée, les choses s’annoncent déjà quelque peu suspectes avec un « Lights Out » balancé tout de go pour débuter d’entrée de jeu la soirée et sans autre forme de procès. Mais surtout à froid, bien trop à froid dans un Spirit par contre bondé et transformé quant à lui en véritable étuve qui ferait passer le chaudron de Sclessin pour une minable glacière de seconde main. La démonstration de force de Michael SCHENKER le mois dernier sur ces mêmes planches rend manifestement périlleuse la comparaison avec la prestation de UFO ce soir : nous avions déjà souligné qu’il s’agissait d’un show exceptionnel et que UFO aurait bien des difficultés à relever le gant tant le Shenker Bro avait placé la barre haut.
Et de fait, les standards UFOlogiques (UFOlogiens ?) balancés par le Michaël il y a quelques semaines à peine font figure de véritables missiles balistiques à côté desquels les fusées de ce soir s’assimilent presqu’à des pétards mouillés. Serait-ce le concert de UFO de trop ? Que nenni, mais veiller simplement la prochaine fois à ne pas croiser la route du frère Schenker peu auparavant. Serait-ce la raison pour laquelle la bande a comme joué les prolongations en prenant manifestement grand plaisir à rester longuement sur les lieux de leur méfait/forfait, taillant une bavette a satiété, en toute simplicité et convivialité avec les éternels mêmes qui jouent également les prolongations sur place? C’est ça aussi, le Spirit. C’est ça aussi UFO : à cet égard, mention spéciale à vous, Mates…. Lights out, lights out in Verviers !
Oui, Michael Schenker sait sourire – oui : sourire ! Oui, il sait bouger, oui il sait chanter. Oui, ce mutant peut passer à l’état tout simplement humain. Le grincheux diablotin SCHENKER s’est mué le temps d’un soir en flamboyant Archange Michaël. C’est bien évidemment un sold out qu’affiche le Spirit pour cette soirée "Michael Schenker Group’s Temple of Rock", étape belge de son "Lovedrive Reunion Tour 2013 ". Le Mad Axeman nous gratifie à cette occasion du meilleur – oui, pesons nos mots – du meilleur de MSG avec en prime bien plus encore du top-florilège de UFO et à peine moins du best of de SCORPIONS (il y a un peu plus, je vous le mets?). Oufti, trois concerts pour le prix d’un, qui dit mieux ?!
Flanqué de la rythmique historique (même si pas originelle) de la grande époque de SCORPIONS qui l’accompagnait notamment sur "Lovedrive" (Herman Ze German Rarebell et Francis Buchholz), Michael Schenker nous assène pas moins de la moitié de l’album éponyme de cette tournée. Sans parler d’autres perles scorpiones jamais auparavant entendues, du moins jouées par l’Axeman. "Lovedrive", une saveur proustienne oubliée qui ressurgit comme par magie, me replongeant dans ce we de l’été 1979 passé à la côte belge duquel je revenais, à 14 ans, avec ce 33 tours dans mes bagages. Tempus fuc***g fugit.
Malgré une paire de Marshall installés up-side-down (faudra un jour m’expliquer…), un son puissant et parfait emplit le Spirit soudain pris d’une fièvre testostéronée qui nous ramène au plus fort du meilleur (ou presque) d’une petite page de l’histoire du r’n’r, option classic rock couillu s’entend. La patte de l’Herman Ze German reste acérée, le beat du Francis demeure métronomé, et le doigté du Michael reste… reste… de la mort qui tue – gratiné ce soir du sourire du crémier en plus. Navigation en pleine quatrième dimension, jouissant d’une symbiose parfaite des cinq sens en pleine jubilation. Le patron Schenker aux manettes donne le tempo et guide la manoeuvre d’un simple regard appuyé vers ses comparses ou d’un hochement de tête à peine perceptible. Arc-bouté sur le manche de ses flyings bien calées entre ses jambes, il adopte la posture qu’on lui connait depuis des décennies. Et si ce n’est pas une posture, c’est qu’il est né avec des Dean entre les cuisses, for sure. On a ce qu’on mérite entre les jambes..
Tout y passe, 110 minutes durant : l’espace-temps est absorbé par un trou noir, à l’instar de ces rares soirs où la perfection semble tout simplement être de ce bas-monde, et l’indulgence notoire. D’aucuns avanceront que la rythmique n’était quand même pas celle de "Strangers in the Night" ou que la griffe du frêle (squelettique?) Schenker s’est p(l)atinée avec les ans. Peut-être, mais la rythmique de "Lovedrive" n’est pas moindre, et la platine s’avère plus noble que l’or lorsqu’il s’agit de noces. Et ce soir, ce sont les Noces de Cana à la sauce 2013 et version Spirit of 66: un de ces soirs où l’eau ne se transforme pas en vin mais bien la musique en orgasmique sublimation. Not less, not more. Veni vidi vici, se dit l’archange Michaël – de quoi lui pardonner même l’impolitesse de prendre en catimini la poudre d’escampette sans même venir s’en jeter un au bar en fin de set, c’est dire. Alea jacta est.
Prions maintenant St-Michael que ce ne soit déjà pas le plus beau concert de l’année, celle-ci étant encore bien longue ! Savoir que dans le mois qui vient Uli Jon Roth puis UFO fouleront ces mêmes planches, et l’on se surprend même à se demander de quelles miettes les murs devront se contenter…
On en oublierait presque ABSOLVA qui, à 21h00 tapantes, débutait son set pour chaudement préparer le terrain durant près de 3/4 d’heure : un trio d’excellente facture qui nous offre une bien belle prestation dans la plus pure veine British Steel. S’ils n’ont pas vraiment inventé le style ni la poudre, ils connaissent le dosage adéquat pour la faire parler sans même utiliser de mèche. Comme quoi avec ces Anglais, la formule n’a non seulement pas de beaux restes mais encore mieux : un bel avenir. A suivre, à suivre…
Porter au pinacle PORCUPINE TREE et apprécier KING CRIMSON sans vraiment connaître par ailleurs la discographie du batteur qu’ils se partagent et qui mène une carrière parallèle sous son propre nom, cela réserve des surprises. Le pedigree de Gavin HARRISON – puisqu’il s’agit de lui – ne le met toutefois pas à l’abri de déconvenues les plus banales : le sound-check débute à l’heure prévue du concert, avec les excuses de l’intéressé qui s’en explique par un retard du à une longue immobilisation forcée sur une autoroute anglaise coupée ! "Une tournée qui commence fort", écrira-t-il sur son Facebook, "et un super public verviétois !" ajoutera-t-il. Il se le met dans la poche en demandant avec humour à l’assistance d’avoir l’indulgence de faire semblant de ne pas écouter, manière de ne pas gâcher le plaisir à venir du concert…
La première (et dernière) fois que j’ai rencontré l’homme, c’était lors d’un interview en prélude à la prestation de PORCUPINE TREE à l’Ancienne Belgique en 2007 (voir chapitre 1 : www.intensities-in-tens-cities.eu). Ce fut l’occasion d’échanger sur bien des sujets, et de découvrir l’Homme simple, chaleureux et sympathique qui se cache derrière le remarquable Musicien qu’il est. Passionné de jazz, ses premières amours nous explosent à la figure ce soir au Spirit of 66, par le biais d’une démonstration de force toute en finesse à laquelle il convie ceux pour qui la musique demeure autre chose que des boites à rythme, des samplers et autres bidouillages électroniques. Mais il ne strombolise pas le Spirit ce soir, du moins pas les oreilles de ceux qui – ignares comme le rédacteur de ce billet – espéraient se délecter d’un peu plus d’atmosphère à la porc-épic…
Le Gavin Harrison Band saupoudre son public d’un peu de tout, tiré de ses trois albums. Des arrangements complexes et des compositions alambiquées, le tout tortueusement articulé autour d’un jeu de batterie (presque) sans nul pareil, ne suffisent néanmoins pas à donner à cette exhibition le relief et la chaleur attendue par d’aucuns. Gavin HARRISON reste un grand bonhomme doté d’un jeu d’une remarquable richesse empli de créativité et tout en finesse, mais c’est comme si ses compositions demeuraient froides sur les planches.
Les vocals, presque dissonnantes, sont comme issues d’un autre band, comme provenant d’une autre bande-son erronnément collée sur des compositions dont elles semblent déconnectées, renforçant cette ambiance aseptisée, cette atmosphère trop clinique qu’une guitare parfois jazzy ne réchauffe pas. Ni HARRISON derrière les fûts ni ses comparses ne déméritent, mais disons que la magie n’opére pas particulièrement ce soir, restant sans doute pour ma part trop en attente d’un fumet d’arbre à porc-épic peut-être.
"Sorry fort that so complicated & sophisticated music". Expliquant de la sorte par un second degré bien à propos les bases rytmiques complexes et algébriques sur lesquelles reposent l’architecture de ses brillantes compositions, Gavin Harrison ne pensait pas si bien dire…