WILSON aura-t-il été en capacité d’atteindre au Luxembourg le même degré de perfection musicale et scénique que la veille à Bruxelles ?
Et si poser la question était en quelque sorte y répondre…?!

WILSON aura-t-il été en capacité d’atteindre au Luxembourg le même degré de perfection musicale et scénique que la veille à Bruxelles ?
Et si poser la question était en quelque sorte y répondre…?!


Backstage, ce sont dans leurs racks toujours estampillés PORCUPINE TREE que guitares et basses fourbissent leurs effets en attendant leurs maîtres. A la fois le signe que WILSON revendique toujours fièrement le glorieux passé de sa première vie, et pour qui en douterait encore la confirmation que sa set list fait toujours la part plus que très belle à ces pièces-maîtresses d’une époque maintenant révolue. Qu’importe, pour les fins gourmets, Steven WILSON et PORCUPINE TREE c’est chou vert et vert chou.
Hier à Bruxelles, WILSON nous contait les péripéties de ses dernières dates allemandes – dont celle de Essen où il eut l’impression de jouer dans un cimetière (sic). Ce soir au Luxembourg, il nous narre sa toute aussi récente expérience finlandaise, se produisant face à des parterres assis peu enthousiasmants (re-sic), avec bobonne qui se morfond dans son fauteuil à côté de môsieur qui, lui, ne trouve pas du tout le temps aussi long qu’elle (re-re-sic). Bah ! ce n’est pas qu’Allemands et Finlandais n’appréciaient pas, c’est simplement qu’ils ont selon lui quelques difficultés à l’exprimer. Ah ah ah, british humour welcome…
Certains intellectuels culs-serrés en manque de bonnes phrases décrivent l’actuelle production de WILSON comme un chaos paranoïaque en provenance directe de l’ère post-vérité (hein ?! càd ?!). Nous nous contenterons pour notre part d’assimiler ce An Evening With Steven WILSON à un cliché en haute définition des temps déconcertants dans lesquels nous vivons: Steven Wilson nous les dépeint depuis l’horreur rampante de la technologie omniprésente à l’observation humanoïde de notre quotidien, de sa dramatique actualité à la déconcertante résilience dont la race humaine peut faire preuve en ces temps chamboulés (hein ?!). Pause.
Pour la bonne bouche, WILSON reste fidèle à lui-même d’une tournée à l’autre, continuant de fustiger les manchots qui brandissent à bout de bras leur smartphone pour poster sur YouTube une minable vidéo de m… (sic) qui n’intéressera en définitive strictement personne vu la quantité de vidéo de shit (re-sic) déjà présentes. Enjoy the show, les gars, plutôt que d’emm… ceux qui tentent d’en profiter derrière vous.

Steven WILSON, c’est comme le bouchon jeté à la mer: les plus grosses vagues (musicales) et les plus puissants courants (des modes) n’auront jamais raison de lui, qui restera toujours bien au-dessus de tous ces insignifiants remous ou de ces redoutables vagues de fonds.
Deux Steven WILSON d’affilée – hier à Bruxelles, ce soir au Luxembourg – c’est comme se resservir de dessert après le plateau de fromages. C’est comme s’offrir le vol retour en 1ère classe après avoir voyagé en economy à l’aller. C’est dans cette volupté non nécessaire qu’on découvre finalement le plaisir superflu et coupable qui rend le moment présent d’autant plus jouissif que fondamentalement essentiel. Rétrospectivement s’entend (hein ?!).

Dans la liste des most underated guitaristes-compositeurs, Richie KOTZEN figure malheureusement dans le top. A l’instar d’ailleurs d’un Franck Marino dont il partage le doigté et la technique, au point de presque les confondre pour peu qu’on ferme les yeux ce mardi soir à la Rockhal et qu’on s’imagine ailleurs…
L’assistance relativement clairsemée se dispersera au compte-goutte en fin de concert, sans même attendre l’ultime note de cet ultime show à l’affiche du Richie Kotzen World Tour 2017 – un comble. Ce n’est néanmoins pas faute d’avoir tout donné, le bougre: le maestro nous balance un set de plus de deux heures, troquant de temps à autres sa six cordes pour le clavier, mais sans que jamais la sauce ne prenne vraiment.
Allez comprendre la chimie et l’alchimie qui font qu’un soir, un set éclabousse et irradie, et que le lendemain la même set-list et les mêmes acteurs ne parviennent pas à décoller, à faire décoller. Parfois la magie opère, parfois pas. Ce soir, ce n’est comme qui dirait pas le cas – allez comprendre…
Bien que KOTZEN ait réussi à trouver une notoriété au delà de son statut d’éternel homme de l’ombre, malgré le fait qu’il donne le meilleur – oui, le meilleur – de lui-même, tout ça pour nous laisser finalement une impression mitigée: c’est signé pas de chance. Cela n’enlève toutefois rien, strictement rien au mérite de l’ex-Mister Big qui n’a jamais été aussi bon qu’en configuration solo. Ou plutôt en configuration power-trio: c’est définitivement la formule la plus riche et la plus puissante qui soit, et qui permette autant d’audace(s), de complicité(s) et d’efficience sur scène.
Chaque morceau est sujet, le temps d’une question réponse ou tout simplement suivant l’impulsion du moment, à des jams effrénés où le trio dévoile l’étendue de son talent sans limite. Ça joue sévère, avec un groove détonant, et KOTZEN n’est clairement pas le seul maître à bord.
Une sono pourrave (fait exceptionnellement rare ici à la Rockhal que pour être souligné) et un public pressé de retrouver son lit avant même la fin du set, ajouteront cependant à l’arrière-goût mièvre d’un set pourtant magistralement mené. Mais c’est ainsi, il y a des soirs avec, des soirs sans: allez-y comprendre quelque chose…
Ah oui, on oubliait ! Mention spéciale à The KONINCKS qui assumaient l’ingrate tâche d’opening band.

SIMPLE MINDS n’a rien inventé (depuis 30 ans) si ce n’est constituer des souvenirs pour ceux qui ont vieilli avec, et graver la bande originale des folles nuits de ceux qui étaient dans la fleur de l’âge durant les eighties. New Gold Dream 81, 82, 83, 84 : SIMPLE MINDS ne peut mieux débuter son show ! La bande à Jim KERR est toutefois de ces groupes qui vieillissent comme et avec leur public, mais sans vraiment réussir à renouveler celui-ci ni à le rajeunir.
Ce n’est ainsi qu’après une heure de concert (assis) que quelques milliers de quinquas daignent enfin lever leur c… pour se trémousser sur Don’t you (Forget about me) puis enfin à se lâcher dans une Rockhal qui ne se rassoira désormais plus jusqu’à l’extinction des feux.
Il aura donc fallu une heure pour décoincer une assistance frigidement assise alors que, de bout en bout, SIMPLE MINDS enchaîne tubes sur tubes, tous revisités dans le cadre de cet Acoustic Tour 2017 qui n’a finalement d’acoustique que le nom – appellation par bonheur aussi usurpée que trompeuse.
Et rien que pour ce revival finement toiletté, savamment revisité, délicatement relifté mais puissamment joué, on a tout simplement envie de dire à ces Ecossais qu’ils continent tout bonnement encore à faire longtemps ce qu’ils ont toujours fait: ni plus ni moins une joviale, tonique et décapante cure de jouvence.
Jim KERR, leader charismatique incontestable qu’il demeure au fil des décennies, reste définitivement maître de la scène, et même maître de cérémonie en allant jusqu’à présenter himself, en ouverture de soirée, la charmante Kt TUNSTALL qui assure une brillante 1ère partie. Scottish party de bout en bout donc, avec un virulent "No Brexit !" lancé par Kerr – ovationné – avant de faire place nette à sa charmante compatriote en avant-soirée.

Ontario power ! Après DANKO JONES il y a deux semaines, au tour de MONSTER TRUCK de revenir faire la nique aux chevelus (et aux dégarnis) du coin. Et quoi de mieux que The PICTUREBOOKS pour assurer leur première partie ?! Cette fenêtre de tir d’une bonne demi-heure hume bon les vastes plaines de l’Ontario et les grands espaces à parcourir au guidon de choppers, chevelures et barbe fournies au vent. Jeans, cuir et chemises de bûcheron en prime, les gars de The PICTUREBOOKS crachent leur blues-rock rêche et incandescent, comme imbibé à la fois de single malt whisky et d’émanations de gaz d’échappement. Délectation de fin gourmet…

La formule binôme guitare-batterie a déjà fait ses preuves par le passé (The White Stripes, Black Box Revelation,…), mais on semble avoir ici atteint un sommet en la matière. C’est sale et gras à souhait, mêlant l’huile de vidange et les émanations de gazoline dans un garage poussiéreux (où ils enregistrent d’ailleurs "live" à domicile entre choppers et Marshall…). Et ce côté fébrile, énergique et authentique, teinté de sonorités industrielles: top class, top fuel, top energy.
MONSTER TRUCK prend le relais mais l’affiche de ce soir n’est pas vecteur d’une forte audience, quoique connaisseuse et de très, très grande qualité ainsi que particulièrement féminine, allez savoir pourquoi. Si The PICTUREBOOKS a remarquablement planté le décor et chauffé les esprits, c’est pour lubrifier une piste de dragsters royale à MONSTER TRUCK. On ne le répétera jamais assez: don’t fuck with the Truck…
Le quatuor reste des plus jouissifs avec des vocals gutturales qui amplifient le son saturé d’une crasse lead guitar; le keyboard densifie le tout d’une atmosphère plombée que viennent renforcer d’implacables drums. MONSTER TRUCK rajeunit de main(s) de maître(s) un style vieux de 4 décennies, à moins qu’il ne fait tout simplement que réinventer une époque que les moins de 50 ans etc. etc.
Cependant, un show expédié en 75 minutes rappel compris (!), ça nous reste quand même un peu en travers de la gorge. Mais comment leur en vouloir quand envoyer la sauce à ce rythme et que l’intensité contrebalancent la quantité? Gaffe quand même les gars: pas deux fois, au risque de perdre de votre crédibilité. Et elle est actuellement tellement top que c’en serait vraiment, vraiment dommage(able). Allez, emballez, c’est pesé, et qu’on ne vous y reprenne plus, garnements…!

This is the spirit of real rock’n’roll, not fucking jazz ! – D’emblée, le ton est donné même si l’on savait bien que DANKO JONES n’allait pas faire dans la dentelle de Bruges. On aime encore bien, nous, ce bouillonnant vivier de canadian rock qui jaillit de la frétillante banlieue de Toronto comme si déferlait du r’n’r depuis les chutes du Niagara. Non, non, on ne pense pas qu’à l’inégalable RUSH ou qu’à l’explosif et imprévisible Gordie Johnson alias BIG SUGAR, mais aussi à tous ces p’tits gars de la trempe de DANKO JONES. Toronto, c’est un peu le Detroit canadien, la Motor City à la sauce caribou, et si les deux métropoles ne sont distantes que de quelques encâblures de grands lacs, ce n’est sans doute pas non plus qu’une heureuse coïncidence.
De tous les hommages rendus pas DANKO JONES de Bon Scott à Ronnie James Dio et de Joe Strummer à Amy Winehouse en passant par David Bowie, c’est assurément celui rendu en fin de lithanie à Sir 49% Motherfucker & 51% Son of a Bitch qui déclenche la plus prenante ovation. On a beau faire, on en revient toujours aux fondamentaux, aux icônes sans compromission et aux symboles les plus absolus.
DANKO JONES nous avait littéralement scotché il y a une dizaine d’années alors que nous découvrions le trio en opening act de MOTORHEAD à l‘Ancienne Belgique. Tandis que leur sono jouait les troubles-fêtes en décidant tout à coup de s’interrompre brutalement, et dans l’impossibilité totale de relancer la machinerie dans les délais impartis, le trio avait tout simplement terminé son set en pur acoustique.
Et l’on veut dire par-là en total unplugged. On aurait entendu une mouche voler dans une Ancienne Belgique sold out, personne n’osant piper mot ni broncher ni même déglutir sa chope de peur que l’a cappella de Danko et le bruit feutré des mediators grattant les cordes sèches ne parviennent jusqu’au plus profond de la salle. Un moment unique d’une rare intensité et difficilement réitérable, tant les circonstances étaient exceptionnelles dans leurs causes et extraordinaires dans leurs conséquences…
DANKO JONES nous avait également pas mal tapé dans l’oreille en Hollande au Bospop Festival 2008 et remet incontestablement le couvert ce soir avec une totale absolue à la Rockhal. Déplorons néanmoins que 1h25′ de live (… rappel compris) est un peu chiche au compteur de nos préférences, mais ne boudons pas notre plaisir quand la qualité l’emporte sur la quantité.
Mais la surprise du chef s’appelle ce soir AUDREY HORNE qui officiait en première partie, 3/4 heure durant. Il n’y a pas loin de penser que cette surprise du chef soit fin décembre 2017 notre surprise de l’année. Un peu tôt sans doute pour l’annoncer alors que nous sommes encore en hiver, mais c’est dire… !
AUDREY HORNE, c’est un sacré coup de fraicheur assorti d’une dose de bonne humeur sans pareille: quand on réussit ce tout de force sans par ailleurs réinventer la roue, ça témoigne d’un talent qui ne saurait mentir…