Entre la froideur de la Rockhal où URIAH HEEP jouait la veille et la touffeur du Spirit ce soir, il n’y a pas photo. Et d’ailleurs, la moiteur de cette étuve semble particulièrement ravir Bernie Shaw qui brandit au public une bonne (?) Jupiler en se félicitant d’être ce soir dans « le pays des meilleures bières au monde » (sic). En brandissant un produit estampillé AB-Inbev, il y a pourtant matière à gloser sérieusement, même si les goûts et les couleurs… Autre sujet de glosage potentiel, les 85 petites minutes seulement de ce concert sold out. Il est cependant vrai que si URIAH HEEP avait commencé dans les temps et non pas 35 minutes en retard, tout en terminant à la même heure, les Anglais nous auraient quand même gratifié d’un show de 120 minutes. Calcul idiot et sans fondement certes, mais bon. Sentant sans doute l’écurie en cette toute fin de tournée – au propre comme au figuré – URIAH HEEP ne dissimule pas son plaisir à la perspective de passer les fêtes de fin d’année au bercail. Mais ce n’est quand même pas une raison pour abréger votre démonstration de force, hein les gars non mais…!
Mick Box à la lead guitar, seul membre d’origine d’URIAH HEEP toujours au charbon depuis bientôt 45 ans, reste le seul survivant de cette époque sixties, unique rescapé de cette épique et glorieuse époque durant laquelle il a contribué à faire d’URIAH HEEP un des quatre maillons avec Led Zeppelin, Black Sabbath et Deep Purple de ce qu’on a appelé The Big Four et qui ont façonné l’histoire du r’n’r, tendance british steel. Reste maintenant au Spirit à faire venir les trois autres sur les planches : allez hop, au boulot Francis…!
Les harmonies vocales du HEEP restent intactes et toujours aussi superbes, marque de fabrique de la maison. Les cinq voix se fondent à merveille dans les mélodies puissamment soutenues par un clavier pour le moins omniprésent (et encombrant), et portées par une lead guitar qui se la dispute méchamment à une rythmique sans faille : en l’occurrence, un batteur qui doit avoir des ancêtres bûcherons écossais adeptes du piercing et des tattoos, et un bassiste (quasi) vintage outrageusement servi par un Ampeg qui donnerait même du coffre à un Biafra, c’est dire.
Une mention toute particulière également aux lead vocals de Bernie Shaw : avec sa bonne bouille de vieil archange déchu à qui l’on donnerait le Bon Dieu sans confession et Michelle Martin avec circonspection, il perpétue à merveille la longue tradition vocale du HEEP. Et la tradition, on sait ce que c’est au Spirit : ça se termine avec le band au grand complet qui se pointe fin de soirée dans le club en enjambant les caisses et tout le matos dont la scène a rarement regorgé en si grand nombre. Santé-bonheur, messieurs, encore une bien bonne avant la prochaine…!