Le Cirque Royal, notre Royal Albert Hall à nous Belges, version hard-discount ou low-cost. Mais qu’importe le flacon lorsque le contenu transcende l’enveloppe qui le contient. Car il y a de ces instants uniques, magiques, qui te marquent parce qu’ils ne surviennent que quelques fois au mieux – ou jamais au pire. Parce qu’ils te prennent à froid et par surprise. Par traîtrise, ils t’emmènent dans une dimension que tu ne soupçonnais même pas avant que tu ne franchisses à ton insu cette barrière spatio-temporelle.
L’envolée hal-lu-ci-nan-te de 10 bonnes minutes dans laquelle SLASH nous emmène ce soir durant ce Wicked Stone – a priori inoffensif – qu’il sublime fait partie de ces moments intemporels, de ces instants qui te marquent de manière indélébile, pour toujours et à jamais. Et ce coup d’éclat chaque soir réinventé par SLASH, chaque soir renouvelé et remodelé, refaçonné selon son humeur du moment, n’est plus une performance: c’est tout simplement un hapax. Un inénarrable et inégalable hapax.
Les scènes du monde entier sont arpentées par une une flopée de guitaristes, de tous ordres et de tous genres, de tous calibres et de tous formats. Dans cet univers bigarré où le meilleur côtoie le pire, subsistent une poignée de personnages hors-normes, qu’on appelle, pour une toute petite minorité d’entre-eux seulement, guitar-heros. Parmi ces happy-few, émergent encore deux ou trois Guitar Zeus exceptionnels. Et SLASH fait assurément partie de ces élus parmi les élus.
La scène rock est peuplée d’excellents joueurs, des virtuoses du manche mais parfois piètres compositeurs. Ou de prolifiques auteurs mais, sur scène, aussi soporifiques qu’ennuyeux, comme éteints. Ou qui se révèlent être au contraire à ce points centrés sur la technique de leur « performance » qu’on les croirait concourir pour décrocher l’or olympique. Il y a aussi les surdoués de la six-cordes, mais incapables de te composer un morceau qui a du chien ou de te le jouer avec leur tripes.
On n’oublie pas non plus ceux aussi qui confondent « play », « perform » et « entertainement » ou – pire – qui les mélangent à mauvais escient. Il y a aussi ceux qui te prennent la guitare comme un manche à balai, et qui s’échinent à te déplacer le plus de poussière possible en un minimum de temps. Et il y a ceux qui s’endorment parfois avant même d’avoir terminé leur demi-partition…
Puis il y a SLASH, seigneur parmi une poignée de quelques autres titans. Hors catégorie.
Scrameustache parmi les extraterrestres de la six-cordes, SLASH est de ces rares auteurs-compositeurs qui allient le don de l’écriture à l’éclaboussante et insolente irradiation scénique. Soutenue par un jeu hors-norme, la richesse de ses compositions sert un doigté et un toucher qui n’ont d’égales que la maestria et la flamboyance avec lesquelles il nous démontre, une fois de plus ce soir, qu’on ne se bouscule décidément pas au Panthéon de l’Histoire du Rock’n’Roll. Amen.
Objection, votre Honneur ?