Maintenant en ligne, ci-dessous : les samouraïs énervés de BO NINGEN en terrifique première partie des PIXIES @ Ex Theater Roppongi, Tokyo – 27 février 2017 :
On nous bassine les oreilles avec le fait que feu (…pan !) Kurt Cobain aurait eu 50 ans cette semaine. En revanche, on nous les rabache nettement moins en passant sous silence que, sans The PIXIES, probablement jamais Nirvana n’aurait éclos. Ni Soundgarden, ni Pearl Jam, ni Alice in Chains et tutti quanti.
Les PIXIES, on le sait, ne sont pas particulièrement loquaces sur scène. Mais à ce point !? Sans doute l’idiome local tokyoïte de l’assistance n’a-t-il fait qu’accentuer les choses: pas le moindre mot à l’attention du public. Pas la moindre syllabe, pas le moindre Thank you, Japan ! Pas le moindre Good night, Tokyo !… On a beau le savoir et s’y attendre, ça surprend néanmoins.
Crâne chauve, veste noire, lunettes, Black impressionne derrière son pied de micro, fier comme un capitaine de navire tenant la barre au milieu d’une mer bien agitée. Dès l’entrée en scène, on retrouve aussi ce son de guitare saturé et les accords de Santiago qui ont hanté le rock alternatif des années 90.
Une set-list longue comme un jour sans pain (ni vin) rythme un set très en dents-de-scie, où les morceaux lents alternent de manière surprenante et même décontenançante avec des passages nettement plus musclés, et vice-versa. Changements de rythme et vertige du live pour le moins déconcertants pour notre premier PIXIES qui ne fait que confirmer la tradition et la marque de fabrique du quatuor.
Groupe culte par excellence du "Seattle Sound", sans The PIXIES et leur rock alternatif posé sur un mur du son, peut-être n’aurions-nous donc jamais connu Nirvana, Radiohead ou Blur. Après des hauts et des bas, onze ans de séparation, le départ de la bassiste historique, puis encore un hiatus de quelques années, on se pince presque pour y croire: ce band d’humains pleins de fêlures entre paquets de chips, parcours personnels chaotiques et cures de désintox, est en train de crapahuter son rock exutoire face à nous ce soir. Vertige du live…
Pas de décor, pas d’écran géant. Seulement quelques projecteurs qui plongent la formation dans des lumières bleutées, vertes, ou violettes qui rendent excessivement difficile la mise au point de l’objectif: la plupart du temps, les quatre musicos baignent dans la pénombre, éclairés en contre-jour d’un halo qui leur confère comme un aspect fantomatique…
L’avenant Franck Black est aux commandes depuis maintenant trente ans et le band semble (re)parti pour un bail identique, pour peu que tensions et amours qui ont ponctué la vie du groupe ne soient pas in fine la corde par laquelle il se pendra. Mais pas avant les festivals de cet été, siouplait : on se fixe rencart en août prochain à Colmar ou à Lokeren, ok mates…?!
L’ombre de l’archange Steven WILSON plane sur l‘Ancienne Belgique, et ses ailes auréolent son comparse de BLACKFIELD, Aviv GEFFEN, qui assure la surprenante mais surtout dé-lec-ta-ble première partie de BIFFY CLYRO. Egratignant Trump et le sort de la planète entre deux morceaux, il perpétue ainsi au travers de ses textes socialement engagés et politiquement vindicatifs un esprit de famille rebelle qui ne doit pas être pour déplaire aux yeux (ou plutôt à l’oeil) de feu son oncle Moshe Dayan…
GEFFEN alterne compos personnelles, plus confidentielles, et extraits du répertoire de BLACKFIELD, que le public accueille bien plus chaleureusement que sa production propre: l’assistance de ce soir est – tout comme nous – manifestement plus sous le charme et coutumière de ses hauts-faits commis avec WILSON que des tendances musicales israéliennes stricto sensu.
Si GEFFEN est comme les hirondelles, annonciateur du printemps, gageons que sa présence @ Bruxelles et le dernier BLACKFIELD tout juste sorti soient donc également synonymes du retour ici-même de la bête WILSON: son odyssée du son à l’envergure démesurée ne lassera jamais, ô grand jamais, de (nous) séduire… O tempora! O mores! En attendant donc le retour du fils prodig(u)e, est venue l’heure pour Aviv GEFFEN de faire place nette à BIFFY CLYRO comme on passe du coq à l’âne, ou plutôt du kippa au kilt:
Ouragan sur l‘AB ? Scottish storm ? Tsunami sauce Highlander…? Le sold-out bruxellois de BIFFY CLYRO constitue notre baptême du feu, et l’on peut dire qu’on a en dégusté jusqu’à la moëlle. Ce n’est même plus un baptême, c’est le passage de la Mer Rouge. Un déluge qui s’abat, un barrage qui cède, une coulée de lave, un mur du son: c’est en configuration live que les influences dont se revendiquent les Ecossais prennent de fait toute leur pleine dimension. Eux qui parait-il n’hésitaient pas à s’auto-proclamer naguère le Nirvana britannique balayent un registre aussi vaste qu’indéfinissable, oscillant d’un post-hardcore finement inspiré jusqu’à un rock plus simplement alternatif mais ciselé comme de l’orfèvrerie.
BIFFY CLYRO est à la limite de toutes les tendances, comme s’ils les avaient toutes ingérées puis digérées avant de nous les régurgiter en pleine figure dans une gerbe polyphonique multicolore, ne serrant même pas les dents pour nous épargner les gros morceaux. Parfois à la limite d’une pop toute british mais suramplifiée et aux hymnes populaires ou aux rengaines faciles, le trio nous prend l’instant d’après à contre-pieds en nous assénant une espèce de hardcore romantique avant de nous surprendre par une pseudo-ballade métallique, mais plutôt version Orange Mécanique.
Inclassable et imprévisible, le trio ignore les styles, transgresse les genres et transcende les courants pour aboutir ce soir sur scène à une fusion intelligente des extrêmes. Cette manifeste réussite de BIFFY CLYRO à travers la force et la puissance du live nous a littéralement scotché tant elle vaut bien toutes les boules de nitroglycérine de la terre (… mais administrées à la vaseline, manière de ne pas déchirer un nouveau trou duc au monde). F*****g brillant bastards d’Ecossais que vous êtes, chenapans !!
Comme un parfum de carnaval flotte ce soir dans une Ancienne Belgique sold out: POWERWOLF fait des émules à Bruxelles, et c’est loups garous & vampires, maquillage & piercings à tous les étages.
On ne peut pas dire que l’accoutrement des teutons de POWERWOLF soit particulièrement séduisant, mais disons qu’il colle assez bien à une bande son et à un décorum en phase. Le tout tient assez bien la route et est cohérent, du moins pour qui ne trouve pas cela grand-guignolesque.
Les rengaines un peu faciles et simplettes ont néanmoins de quoi charmer un instant. Sur la longueur, le constat est plus mitigé et le style POWERWOLF devient assez vite aussi lourd que monotone. Le répertoire pêche par manque de renouvellement, et là réside toute la différence entre des musiciens éclairés et des compositeurs inspirés, et de bons exécutants et d’excellents entertainers mais sans le génie nécessaire au renouvellement du style…
L’objectif de notre Canon prend dès lors plus de plaisir que nos tympans face à ce carnaval avant l’heure dans une salle au répondant immédiat et impressionnant. Il y aurait de quoi, pour EPICA en coulisses, de redouter d’affronter un public qui semble manifestement tout acquis à POWERWOLF…
1h10′ de POWERWOLF: pas mal pour une soi-disant première partie… Les Allemands font ensuite place nette à EPICA en sa qualité de seconde tête d’affiche d’une rencontre au sommet de power métal et de métal (dit) symphonique. Le sextet hollandais navigue entre black metal, power metal, gothique et classique, toujours emmené par la flamboyante Simone Simons au chant.
Sa voix demeure remarquable même sur la longueur, et scintille gaiement en alternance avec quelques rauques grognements émanant occasionnellement de l’organe de ses mâles comparses. Ce style pompeux a ses adeptes, tout comme le mélange des genres après lequel nous ne courons pas particulièrement. Cependant, force est de reconnaître que les kaas excellent en la matière et sont devenus une sacrée référence à ce titre.
A choisir (mais pourquoi choisir ?!) entre EPICA et BEYOND The BLACK qui officiait en tout début de soirée, nous optons pour les Hollandais comme nous pencherions plus pour la raclette batave que pour la choucroute teutonne – quoique les deux soient indigestes à trop forte ration. S’il faut également trancher entre le lard et la couenne, même s’il n’en est ici nullement question, la plus que charmante Jennifer Haben prend cette fois le dessus sur la Hollandaise.
Le style d’EPICA pourrait tendre vers le gothic métal même si le groupe préfère se décrire plutôt comme un groupe de métal symphonique à voix féminine. Et force est de reconnaître que la formule a l’avantage d’attirer dans le public une proportion inhabituelle de représentantes de la gent féminine – ce qui est tout sauf déplaisant, à l’instar des audiences de Nightwish ou de Within Temptation par exemple.
Nous avions précédemment rencontré EPICA en 2014 et cette première nous avait séduit – on se souvient toujours de la première fois… La redite de ce soir ôte l’effet de surprise et c’est comme si le charme n’agissait plus de la même manière. Il y a des films qu’il ne faut pas revoir car la magie n’opère plus identiquement à la seconde projection; faut-il croire qu’EPICA est de cette veine, ce qui n’enlève strictement rien à la première…