Auteur : Yves-Marie François
LIONIZE fait partie de ces groupes incompréhensiblement underrated qui trainent leur bosse de scènes en scènes à travers le monde, pas avares d’efforts ni de sueur, officiant de main de maître lors de frustrantes premières parties dans des salles encore vides – ou quasi. C’était le cas lorsque nous les avions découverts à Bruxelles en pré-première partie de CLUTCH dans une Ancienne Belgique vide. Un an plus tard, à deux jours près, c’est à nouveau tristement le cas ce soir à la KulturFabrik en ouverture de CKY.
Des compositions solidement charpentées, un feeling et un groove communicatifs, un Hamond torturé qui te retourne les tripes, une basse qui cogne dur en parfaite symbiose avec des drums presque jazzy par moment, une guitare hargneuse et des vocals en phase qui enrobent le tout: il ne manque rien – strictement rien – à LIONIZE pour exploser à la face du monde. Rien, si ce n’est ce petit grain de chance qui mène au succès, ce coup de pouce du hasard qui fait (et défait) les carrières, ce bon coup du sort qui fait (ou défait) les renommées…
LIONIZE n’a pas non plus été aidé ce soir par deux pannes électriques successives. Courtes dans la durée, elles ont néanmoins été néfastes à une sauce qui peinait déjà à prendre de par une salle quasi vide où les décibels ne se disputaient pas la place à l’air brassé.
CKY (pour **ck Y** peut-être ?), les premières parties, ils connaissent aussi (Guns N’ Roses, Metallica, The Deftones…). Début des années 2000, les States sont en pleine période skate, punk-rock & MTV. La veine Offspring et consort est à son apogée, d’où surgit CKY. Plus rock que les autres, plus stoner aussi…
Disparu des radars pendant une dizaine d’années, CKY réapparaît un peu à la surprise générale en 2016. Si la formule reste la même, le son, lui, s’est encore amplifié pour devenir poisseux, lourd et groovy à souhait.
Mais ça ne semble pas suffisant ce soir pour faire décoller le paquebot. Manque à CKY ce petit supplément d’âme, ces petits dérapages, ces ratés ou ces moments de folie ou de génie qui transforment une prestation policée en un moment épique. Une KulturFabrik plus que clairsemée n’a sans doute pas non plus aidé les Américains à grimper aux rideaux, dommage.
Le set des Allemands d’Aeverium terminé (agréablement passable – mais conventionnel), puis celui des Suisses de Cellar Darling (sympathiquement audible – moins conventionnel), place nette pour les Italiens de service avec une troisième et dernière female vocal pour la soirée.
Si LACUNA COIL est assurément devenu l’une des pointures de la vague rock/metal européenne emmenée par les Nightwish, Epica et autres Within Temptation (une kyrielle de bands après lesquels on ne court pas particulièrement), on ne vous cache pas non plus que les Italiens ont notre préférence. Et de loin. En prélude à leurs 20 ans d’existence qu’ils fêteront dans quelques semaines, on se demande même comment on a pu passer à côté de la montre en or pendant toutes ces années.
LACUNA COIL sur la platine ne casse pas 3 pattes à un canard et n’est certes pas non plus le mouton à 5 pattes. Mais l’agneau devient bel et bien mouton enragé sur scène où explose l’expérience et la maturité d’années et d’années de tournées pharaoniques des deux côtés de l’Atlantique.
Mieux que quiconque de cette vague female, LACUNA COIL réussit à allier mélodies entêtantes, riffs tranchants et production au son énorme malgré une guitare quelque peu en demi-teinte ce soir, comme écrasée ou reléguée à l’arrière-plané. Un batteur au jeu focalisant notre attention n’a néanmoins pas réussi à nous détourner de la maîtresse de cérémonie, la délicieuse Cristina Scabbia.
Pas besoin de grimage – comme celui par ailleurs tout à fait superflu de ses comparses – pour apprécier la belle dans toutes ses parfaites dimensions. Sa voix est d’une rare puissance, dotée d’un timbre assez exceptionnel et d’un spectre lui permettant de maîtriser tous les registres, du plus discret au plus prenant, sans jamais être un seul instant hors-contexte.
Rarement avons-nous entendu des vocals servir de manière si harmonieuse et complémentaire une orchestration puissante dont elle fait en réalité partie intégrante. Et quand le show et la présence scénique s’allient au contenant dont le contenu n’est de surcroit pas dénué d’intérêt, que demander de plus…?!
AC-DC n’était plus vraiment AC-DC depuis quelques années maintenant, avec le seul Angus YOUNG encore à la manoeuvre (Ohé, ohé, Capitaine abandonné… – air connu).
Exit Phil RUDD, éjecté en 2010 pour les sombres raisons que l’on sait.
Exit Brian JONHSON en 2016 pour d’autres raisons, tout aussi nébuleuses finalement.
Exit Malcolm YOUNG en 2014, après quarante ans à la manoeuvre et suite aux problèmes de santé qui viennent d’avoir raison de lui.
Exit Cliff WILLIAM qui a, en toute et saine logique, décidé en 2016 de raccrocher sa basse au vu de tout ce qui précède…
Malcolm YOUNG, lui, vient finalement de rejoindre l’éternel Bon SCOTT, fatigué sans doute de ne plus être que l’ombre de lui-même. L’ombre d’un métronome sans pareil, l’ombre d’une machine rythmique unique, l’ombre d’un trio sans équivalent au sein du r’n’r circus qu’il formait avec Phil et Cliff.
Malcolm YOUNG, "The Engine", le vrai patron d’AC-DC, co-fondateur du band et co-auteur de la (quasi) totalité du répertoire. Malcolm YOUNG, l’homme de l’ombre, petit par sa taille mais impressionnant par sa présence. The Boss. Malcolm YOUNG, le seul et véritable patron du groupe malgré le fait qu’il ait choisi de se contenter des miettes médiatiques et de l’ombre que faisait son petit frère qu’il a porté au-devant de la scène.
Pour les véritables AC-DC lovers, Malcolm est et restera la pierre de voûte, la pierre angulaire de l’entreprise Young & Cie, Established 1973.
Révérence & total respect, Mister Young, et bien l’ bonjour à Sir Bon là-haut. Car non seulement it’s a long way to the top if you wanna rock’n’roll, mais surtout Highway to Hell qui est devenu pour toi et vu les circonstances Stairway to Heaven…
Rien de tel qu’un bon petit WINE HOT tandis que les premiers frimas d’hiver attaquent cette nuit de fin novembre. Why not donc un petit WINE HOT pour se réchauffer le conduit auditif!? Les cinq Chestrolais (ou assimilés) étrennent leur dernier CD dans un endroit peut-être un peu trop cosi à notre goût que pour profiter pleinement de séquences tantôt aériennes, tantôt plus nerveuses, mais toujours aussi finement ciselées et à la lisière de sonorités familières.
Des compositions complexes, léchées et travaillées à l’envi alternent ainsi avec des passages plus nerveux et moins architecturés, dont les vocals collent toujours parfaitement aux atmosphères qui s’en dégagent. On a pourtant envie que certains passages crescendo finissent par exploser, mais non: le soufflé redescend comme pour ne pas trop brusquer, comme pour ne pas effrayer. Frustrant comme un coïtus interruptus… Un travail de vrais pros, une production de haute qualité et une prestation de très belle facture pour un combo qui mérite bien, bien plus que son audience encore trop confidentielle.
Ah ! toujours cette petite excitation qui nous émoustille le palpitant, au moment de découvrir les lambris d’une "nouvelle" salle de concert à notre actif. En l’occurrence, Het Depot, Leuven, waar Vlamingen thuis zijn. Ou si peu finalement, au vu du décor urbain ambiant où les enseignes francophones tiennent le haut du pavé. Tout comme l’assistance majoritairement francophone itou qui a fait le déplacement pour cette seule date belgicaine d’AIRBOURNE.
Que n’aurions-nous pas encore écrit au sujet de ces sacrés Australopithèques…?! Que n’avons-nous déjà pas sassé et ressassé au sujet de leur énergie démoniaque et de leur punch surnaturel ? Qu’aurions-nous pu omettre de mentionner en narrant leurs shows sur-vitaminés menés tambour battant ?!
Au risque donc de nous répéter, nous ne dirons rien – rien de rien de cette incroyable cure de jouvence ni de cette intraveineuse de testostérone que représente chacun de leurs concerts…
Notre dernier AIRBOURNE remonte à juin dernier, alors qu’ils foulaient ou plutôt survolaient les planches de Den Atelier (Luxembourg), sur une scène bien, bien trop exigüe que pour leur permettre un total burn out comme ce soir à Leuven.
Le pit d’où tirer nos photos frontstage est quant à lui trop étroit cette fois que pour se déplacer à s’n aise d’une extrémité à l’autre de la scène afin de varier les angles de prises de vue sans bousculer les confrères. Mais le problème plus criant encore est que ce pit est manifestement trop étroit également que pour y faire co-habiter et la sécurité et les photographes.
Moralité: pas de molosse de la security pour réceptionner les crowd-surfers qui viennent dès lors s’écraser violemment sur nous, pôôôôvres photographes, en nous prenant de surcroit par traitrise dans le dos alors que nous sommes en plein labeur. Pas facile le métier, ma p’tite dame, pas facile et dangereux – ouch…
AIRBOURNE, ce sont de fines gâchettes à l’oeuvre là où les rouleaux compresseurs peinent à évoluer. AIRBOURNE, c’est la sulfateuse là où les orgues de Staline ne peuvent tirer. AIRBOURNE, c’est le moustique qui pique là où le frelon ne peut se glisser. AIRBOURNE, c’est l’apocalypse qui dévaste là ou le déluge ne peut noyer… AIRBOURNE, c’est l’alpha et l’oméga du rock’n’roll quand la horde du mainstream musical se contente du ventre mou qui s’étend de l’un à l’autre.
AIRBOURNE a embarqué dans ses bagages DESECRATOR pour officier en première partie. Sans doute pas la meilleure idée qui soit, mais faut croire que dans l’hémisphère sud on n’a pas le même schéma neurologique que chez nous, les gens du nord. Soit, n’en faisons pas non plus tout un kangourou…
N’en demeurent pas moins regrettables les 75 petites minutes seulement de show qu’AIRBOURNE nous ont offertes. Tout semble démontrer que c’en deviendrait presque la norme. Si tel est le cas, on n’a plus qu’à s’en faire une raison en ronchonnant comme les vieux bougons qui marmonnent que tout fout l’ camp et que c’était mieux avant. Amen.