Lors de la conférence de presse de clôture de ce 18ème Cabaret Vert, les organisateurs se prévalaient du fait qu’avec la boue qu’avaient produite les abondantes pluies de la veille, le festival était devenu légendaire. Car oui, la boue fait partie de tout festival légendaire, et un festival ne peut devenir légendaire qu’avec sa boue. Et son cortège de photos donc mythiques et légendaires. Pas faux…
Nous, ce qui nous secoue plus particulièrement en ce dimanche fin d’après-midi, c’est la prestation de MASS HYSTERIA qui nous scotche grave. Depuis le temps que nous voulions voir le combo, cette première ne nous déçoit nullement – que du contraire.
Un death wall de la mort-qui-tue, des mosh pits à décorner les boeufs et à démembrer les plus fringants des headbangers, les Français ont littéralement retourné l’audience du début à la fin de leur set. Et que dire du moment où les enfants et jeunes ados présents dans l’assistance ont été invités à rejoindre la scène pour faire de cette prestation un véritable moment d’anthologie.
La jauge maximale de 32.000 festivaliers atteinte ce dimanche 18 août 2024 (sold out) concourt aux près de 110.000 spectateurs qu’ont drainés ces 4 jours de déambulation à n’en plus finir autour d’un fleuve, par des ponts jetés entre ses deux rives, 4 jours enchantés sous la cathédrale formé par la cîme des arbres ou par le chapiteau des deux immenses scènes. Mais qu’importe le nombre de festivaliers, les bénévoles et organisateurs amateurs du Cabaret Vert ne recherchent pas la quantité mais la qualité, loin des objectifs financiers et de retour sur investissements des grands majors à la manoeuvre ailleurs.
Avec déjà presque trente ans de carrière derrière eux, MASS HYSTERIA est un groupe qui vient des quatre coins de France – avec de surcroit le batteur qui joue à domicile ici à Charleville-Mézières aux côtés d’un chanteur breton de guitaristes parisiens et d’un bassiste irlandais. Rock à tendance métal mais le tout chanté en français, MASS HYSTERIA balance des textes engagé. Engagés mais positifs, avec leur devise « positif à bloc ». Mais surtout – surtout – le band n’est piloté par personne, n’est ni de gauche, ni de droite, ni de centre et essaie juste dans ses morceaux de décortiquer les absurdités des uns et des autres. Avec des morceaux plus philosophiques, voire poétiques ou d’amour, c’est en fait un tiers de morceaux engagés et deux tiers de morceaux positifs avec une philosophie et poésie de la langue française. Oui môssieur.
Au Cabaret Vert règne la démarche de développement territorial et durable d’un éco-festival prônant les circuits courts du producteur au consommateur, en défendant une nourriture de qualité aux antipodes de la mal-bouffe et en offrant à prix démocratiques de divins breuvages, parfois semi-artisanaux. Le Cabaret Vert ne sera jamais un festival comme un autre: on y vient pour l’affiche et pour la zique, puis on reste coincé dans les nombreuses arcanes culturelles et thématiques multiculturelles qui foisonnent de-ci de-là le long de la Meuse, dans les sous-bois ou dans les infrastructures en dur.
Activiste et engagé dans les valeurs éco-durables et de développement territorial intégré, le Cabaret Vert – et son association FLAP qui en est le bras séculier – est avant tout militant: zéro déchet est un objectif poursuivi de longue date (presqu’atteint, oserions-nous dire), au même titre qu’une autosuffisance et une indépendance énergétique prévues à l’horizon 2030, ce qui sera tout profit pour le voisinage 360 jours par an. Animés d’une foi et d’une ferveur dans la poursuite de l’intérêt général et mettant l’humain, le durable et l’éco-responsabilité au centre de leurs préoccupations, les organisateurs sont tout simplement atypiques dans le paysage des festivals européens, même s’ils sont entrés dans le top 10 des plus gros festivals français. Presqu’à leur insu, serait-on tenté de dire, tant ils ont opté pour la qualité au détriment de la quantité et du chiffre.
Activite et engagé, SHAKA PONK l’est assurément au même niveau et au même degré d’intensité. Même peut-être un peu trop serions-nous tentés d’écrire ? Ardents défenseurs militantistes voués de longue date à la noble cause de Sea Sheperd, SHAKA PONK se fait un devoir ce soir de plaider en (trop) long et en (trop) large la cause de son leader Paul Watson toujours emprisonné au Groenland – mais ce n’est pas tout.
A la poursuite de leur idéal, les organisateurs ont façonné le Cabaret Vert à leur image: intègres et généreux, désintéressés et visionnaires. On a – de nouveau – adoré les changements topographiques du festival, les nouvelles allées boisées et les nouveaux passages sur la Meuse, les coins de restauration et de picole tout comme les wc verts et les espaces culturels. Et la zone VIP/presse/partenaires et son catering toujours aussi impressionnant. Et une programmation toujours aussi… déstabilisante d’éclectisme. Les organisateurs nous avouent continuer à réfléchir à l’option « journées thématiques » versus « journées éclectiques », tant rock, métal, hip-hop, reggae, urban, garage, clubbing, indie ou frenchy se côtoient, parfois dans un joyeux désordre (selon la police) ou une vigoureuse émulation (selon les manifestants) !
Après avoir pris fait et cause pour Sea Shepherd, c’est la cause palestinienne qu’endosse SHAKA PONK en arborant le drapeau de l’entité. De bon goût, de mauvais goût ? Disons plutôt de mauvais aloi tant les discours engagés tirent en longueur au détriment d’un show qui avait pourtant tout pour plaire à la majorité. Mais trop is te veel…
Les trois gonzesses de SAY SHE SHE auront fait moins de vagues en début de journée, et c’est presque mieux ainsi. Quant à KORN qui clôture en beauté cette quatrième et dernière journée de festival, nous ne serons malheureusement pas de la poignée des quelques rares photographes autorisés à pénétrer le pit-photo pour immortaliser l’instant. On va donc se replier sur quelques clichés tirés lors de leur dernier passage par Charleville-Mézières en 2017