Étiquette : Mastodon
Après Steven WILSON la semaine dernière (et à nouveau la semaine prochaine…), on passe avec MASTODON du Taj Mahal à Las Vegas, on se téléporte du Louvre à Akihabara. Ou, pour rester plus couleurs noir-jaune-rouge, on passe d’Orval aux Marolles…
MASTODON featuring Scott Kelly of Neurosis, c’est du compact, c’est du condensé, du très lourd. Du massif à en contrarier l’attraction terrestre et à en déplacer le pôle magnétique…
Maintenant en ligne : MASTODON sold out @ Ancienne Belgique – Bruxelles – 09 février 2019
… et mention toute spéciale à KVERLETAK, un vent de fraicheur – non: une tornade – en opening act :
Une Ancienne Belgique comme on l’adore: méchamment sold out, une assistance nettement moins typée métal et bien plus féminine que lors de ces traditionnelles grands messes de la déesse Décibelle. Et à son propos justement, MASTODON est tout juste énorme ce soir. 100 minutes durant, un rouleau compresseur écarte les murs de l‘Ancienne Belgique pour faire place nette et ne laisser que miettes et poussières derrière lui. Phénoménal.
En 2012, en première partie de SOUNDGARDEN et de METALLICA qui se produisaient sur le tapis de roulette de Werchter, nous avions souri à la seule vue du nom de MASTODON mentionné sur l’affiche de cette planche à billets. Mais nous étions bien vite redescendu sur terre et réalisé qu’on était là face à un gros, gros poisson en devenir. C’est maintenant chose faite, et déjà confirmée depuis 2016 lorsque leur prestation au Cabaret Vert nous avait déjà littéralement scotché.
MASTODON rame à contre-courant de tout ce qui pourrait être porteur en termes de marketing: pas de look extravagant, pas d’esbroufe ni d’excès – ni sur scène ni ailleurs. Pas de show ni de frime: rien de ravageur hormis le son, allant à l’encontre de tout diktat en matière de musique, d’image et de bla-bla aussi inutile que superflu.
Juste l’essentiel: 100% de puissance limbée dans un raffinement subtilement construit et avec un batteur tout bonnement exceptionnel. Un de ces rares stickmen hors-norme qui sait allier une force de frappe sans pareille et un jeu aussi subtil que riche et diversifié. Enormissime.
100 minutes durant, et sans rappel, MASTODON telle une locomotive folle écrase tout devant elle, ne s’arrêtant à aucune gare et pulvérisant la butée du terminus. A l’instar d’une poule sans tête – mais avec énormément d’intelligence et de jugeote – le quatuor fonce tout droit. Invincible, ou indifférent à tout ce qui pourrait lui arriver, rien ne l’arrête. Rien ne peut l’arrêter. MASTODON est un mammouth, un alien, un monstre à quatre tête – voire cinq ce soir avec la présence de Scott Kelly, transfuge temporaire de Neurosis.
En explorant de nouveaux horizons mélodiques,MASTODON nous promène entre hardcore technique et post-hardcore, entre sludge métal et progressif, croisant de nombreux genres et osant un mélange lyrique et innovant de grindcore et de hardcore, de metal progressif ou expérimental, de sludge, de stoner metal, de metal alternatif, de groove metal et de heavy metal (… diront les spécialistes que nous ne sommes pas). Mais MASTODON, c’est comme les frites McCain: ce sont qui en parlent le moins qui en mangent le plus…
Avec ces rythmiques aussi inhabituelles que séduisantes, MASTODON impose sa marque de fabrique sans nulle pareille, nous renvoyant à une dimension peu souvent explorée dans le genre. En franchissant ces nouvelles frontières, MASTODON fait méchamment mouche. Et quoi de plus insaisissable qu’une mouche…?!
Où – ailleurs qu’au Cabaret Vert bien entendu – pourrait-on apprécier le même jour sur la même scène MASTODON qui ouvre les hostilités dès 16h15 et Louise Attaque qui les prolonge en soirée – sans parler de Nekfeu qui clôture les festivités?! Nulle part ailleurs…
Le thermomètre affiche très exactement 35° à l’ombre lorsque nous arrivons sur les lieux – presqu’un record pour la saison, ce qui n’empêchera nullement MASTODON, en plein soleil, de rentrer dans le lard de la grande scène.
La chaleur qui écrase le Square Bayard ralentit simplement les mouvements mais en rien le tempo de leur sludge ravageur. Une heure d’efforts sous un soleil de plomb déshydrate les corps et échauffe les esprits tant sur scène que dans l’herbe: les boss nord-américains remercieront d’ailleurs chaudement un public qu’ils qualifient de best audience qu’ils n’aient jamais eue en ouverture de festival. Normal, quand on donne tout, on reçoit tout…
Si MASTODON fait parler la poudre, le quatuor donne néanmoins davantage l’impression de cohabiter et de partager la scène plutôt que de l’investir comme un seul homme. La chaleur étouffante n’est pas propice aux performances hors normes (ni aux attouchements ou accolades, si ce n’est sur l’herbe…), et sans doute faut-il trouver là une probable explication à ce constat bien vite oublié de par la phénoménale puissance de feu du band.
Le fer de lance du New Wave of American Heavy Metal mérite bien mieux que cette plage horaire, ingrate, de début de journée – mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. MASTODON, alors, est glorieux. Jubilatoirement glorieux – gloria in excelsis deo.
Cela faisait des plombes que nous attendions de prendre en pleine tronche la claque WOLFMOTHER, et le trio nous en a effectivement mise une solide dans les gencives. Sa puissance lourde et stoner en droite ligne des 70’s, envolées psychées comprises, tient toutes ses promesses avec autant de charisme au cm² que de décibels aux cm³: ça situe…?!
Les australopithèques nous balancent un pur r’n’r show, costaud et authentique, qui nous renvoie dans les cordes d’un grand ring époque seventies. Andrew STOKCDALE et ses deux comparses semblent en effet tout droit sortis d’une machine à remonter le temps, mettant au goût et aux sonorités du jour des compos qui auraient – comme qui dirait – traversé les décennies, décongelées aujourd’hui à la sauce Hibernatus. Orgasmique, punt aan de lijn.
WOLFMOTHER, c’est danse avec les loups – mais plutôt version loups garous. Ses relents de Grand Funk Railroad nous en mettent une sérieuse dans les camouilles. Ô extase divine, c’est splendeur et splendosité comme un oiseau tissé en fil de paradis. Comme un nectar argenté coulant dans une cabine spatiale, et la pesanteur devenue une simple plaisanterie…
WOLFMOTHER a le look des seventies, WOLFMOTHER a le goût des 70’s, WOLFMOTHER a la saveur des années septante, WOLFMOTHER c’est back to the future de chez les kangourous, croisement improbable de Black Box Revelation et de Marty McFly. Un régal. Une purge. Un lavement et un trépanage à la fois… Merci docteur.
Qu’apprécie-t-on le plus au Cabaret Vert: sa carte des bières (… 21 !) et de mets liquides et solides semi-artisanaux plus délicieux les uns que les autres, ou l’affiche de ces 4 jours multi-culturels à quasi 100.000 personnes ?! A nouveau, l’éco-festival des Ardennes frappe fort et bien (et bien fort). Le Cabaret Vert, c’est surtout une belle réussite territoriale et un éco-projet multi-culturel, reflet de toute une région et de la dynamique de ses habitants-acteurs dans un grand élan sociétal de mixité sociale et de mélange des disciplines: BD, arts de rue, débats, cinéma, théâtre forain, gastronomie, éco-développement, etc.
Le Cabaret Vert a l’accent aussi associatif qu’humain et présente de solides penchants aussi festifs que gustatifs. C’est un ovni dans le paysage des festivals de l’été. Economie durable et locale côtoient rock’n’roll et techno, mais aussi solidarité(s) en tous genres et rencontres alternatives et créatives. C’est pour cela qu’on y revient au Wild Wild Fest : son esprit sauvage et indomptable continue d’écrire son histoire, sans renier ses valeurs. 94.000 festivaliers l’ont encore bien compris cette année…
L’an dernier, les riot grrrl de L7 ont fait leur grand comeback après quinze ans d’absence. Le Hellfest s’en rappelle encore et c’est maintenant au tour du Cabaret Vert d’être secoué par les riffs du quatuor. L’Angleterre a Girlschool, les Etats-Unis ont L7 ! Les grunge ladies ne sont plus de première fraîcheur, mais sont également loin d’être périmées: la date de péremption ne semble d’ailleurs même pas être pour demain non plus.
Pur produit féminin de la grunge generation, aussi dingo sur scène qu’enragées et engagées, les quatre de L7 c’est du pur rock sans compromission et sans fard. L7, c’est comme des jambonneaux dont on aurait ôté le filet pour ne garder que la couenne; c’est bien gras mais relevé à la fois, et finalement très fin même si elle ne font pas dans la dentelle. Ce serait d’ailleurs plutôt corset et cuir…
L7, c’est un peu comme si Kurt Cobain s’était réincarné en pin-up défraîchie. Ca balance ferme et ça secoue grave, avec une saveur surannée fin eighties. A l’époque, Nirvana explosait; L7 également. A la différence près que L7, c’est un peu comme le big bang: il est vieux comme le monde, mais on peut encore l’entendre.
Chapeau bas, les filles: le culot se les dispute au panache, et la cellulite à la peau de pêche. Et quelle pêche, L7 !
Werchter, son champ de patates – que d’aucuns appellent pourtant pompeusement "la plaine du festival". Werchter, le Jurassic Park flamoutche qui, dès le racket organisé du parking, vous met au diapason pour le reste des festivités : tout est à l’avenant afin de faire rentrer un max de liards au mépris du moindre respect pour les bestiaux qui s’agglutinent sur les quelques mètres carrés alloués (à louer?). SOUNDGARDEN a annulé de longue date déjà son concert initialement prévu ce soir au Luxembourg pour être présent ici, en lieu et la place de la Rockhal. Geste à l’égard des fans : les détenteurs de billets pour le concert luxembourgeois sont invités à ce Werchter Boutique que le groupe a rejoint à l’invitation de METALLICA en tête d’affiche. Sans quoi jamais, ô grand jamais, ma présence ici n’aurait été à l’agenda, peu importe que ce fût pour faire tourner la machine à fric de ce champ de lisier ou pour assister à un show de METALLICA. A ma charge et en toute subjectivité, je confesse avoir toujours publiquement affirmé haut et fort ne jamais me rendre à un concert de METALLICA quand bien même la place me serait offerte ! J’aurais dû préciser : a fortiori à Werchter. Ou plutôt, vu les circonstances ne jouant pas en faveur de ma probité, j’aurais dû me taire. Mais soit : back to SOUNDGARDEN.
Chris Cornell conserve manifestement une des voix les plus chaudes et les plus rondes du r’n’r circus. Il personnifie sur scène à lui seul 80% de l’aura et du magnétisme explosif de SOUNDGARDEN. Après 15 ans d’absence, le Son du Jardin (ou le Jardin du Son ?) reste fidèle à lui-même. Mais qu’en aurait-il été au Luxembourg, dans l’étuve confinée de la Rockhal où le band aurait en outre joué certainement deux fois plus longtemps et dans des conditions autrement plus respectables du spectateur lambda – celui qui, a Werchter, ne s’est pas acquitté des euros supplémentaires extorqués (rackettés) pour pénétrer dans les derniers 50 mètres du frontstage. Matt Cameron, impressionnant de puissance aux drums, l’est tout autant aux backing vocals – et le fait est suffisamment peu courant que pour être souligné.
D’autant plus que la rythmique parfois hypnotique de SOUNDGARDEN syncope le tempo des 52.000 têtes de bétail rassemblées sous la canicule werchtérienne, qui réservent au band les honneurs amplement mérités. A fortiori à l’issue de Black Hole Sun, qui ne clôture pourtant pas un set en définitive bien emballé, quoique sans fioriture ni cachet particulier faut-il le regretter, mais digne tout simplement d’une honorable prestation open air. Personnellement, SOUNDGARDEN me laisse toutefois un goût de trop peu dû à une prestation qui manque de quelque relief et dans laquelle je n’ai pas retrouvé ce petit-quelque-chose-qui-fait-que. Soit un goût de trop peu (de SOUNDGARDEN) et un arrière-gout de beaucoup trop (de Werchter).
MASTODON avait (é)chauffé les corps et les esprits en fin d’après-midi alors que le soleil tapait encore fort comme les décibels, précédé de CHANNEL ZERO, de GOJIRA et de GHOST qui ouvrait les festivités. Mais le soleil a disparu lorsque vient le moment de laisser la clameur accueillir METALLICA… et d’imiter rapidement quant à moi le soleil. Trois quarts d’heure de show (sur les 2h15 prévues) suffisent malheureusement à me conforter dans l’opinion que j’ai toujours nourri (mais que je venais mettre à l’épreuve de la réalité pour le reconsidérer) au sujet de ces valeureux métalleux : ils n’ont jamais rien inventé ni apporté au style et cette démonstration, certes de force et de puissance mais gavée de clichés et de stéréotypes, n’en est que plus stérile et creuse. Laissons les bestiaux aux tourteaux (et vice-versa), en espérant éviter quelque racket supplémentaire au moment de récupérer le véhicule chèrement garé. 52.000 bestiaux exultent au loin dans la nuit tombée, la pyrotechnie parachèvera ce grand barnum et le show se clôturera en apothéose c’est certain. Definitively. Panem et circenses : la formule fonctionne depuis deux mille ans avec ce bon vulgus, pas de raison de la changer pour une populace qui s’en contente…
(Chris Cornell et Audioslave font l’objet d’une précédente review au chap. 1 de www.intensities-in-tens-cities.eu "All The World is a Stage – The Vintage Years 1978-2011".