Nous sommes installés aux premiers rangs des gradins. Le show est, comme à l’accoutumée, de très bonne facture, mais c’est sans doute pour moi le concert de trop de Toto : autant les précédents m’avaient littéralement séduit, autant celui-ci me semble longuet et monotone – je n’oserais pas dire soporifique, mais c’est tout comme. Pourtant, le show est parfait et il n’y a strictement rien à y redire, mais bon… Il est des soirs et des nuits où la plus belle ne peut pas offrir plus que ce qu’elle n’est ou n’a…
Auteur : Yves-Marie François
Décidemment, je hais le Flanders Expo. A fortiori lorsque je suis contraint de m’y rendre pour prendre part à un concert dont c’est là la seule date belge. Le mythe est de retour, mais la magie de ma première expérience n’est plus au rendez-vous – comme pour toute première expérience, soit dit en passant. La halle aux bestiaux est pleine à craquer, et le concert est parfait. Mais il n’est que parfait, sans plus…
Ma seconde venue à Nidrum pour à nouveau moment unique : mes Sudistes préférés (avec Lynyrd Skynyrd bien évidemment) en live sur la scène du Twilight Café de Nidrum. Pincez-moi ! Le concert est un moment unique, rendu tel par la prestation sans faille du band et de par le contexte et le lieu tout à fait surprenant dans lequel il se déroule. L’intensité de la soirée, l’ambiance chaleureuse, la promiscuité et la simplicité des lieux m’incitent à pousser tout simplement la porte dessous la scène pour pénétrer à l’issue du concert dans la dressing room du band. Celui-ci m’accueille à renfort de grands signes m’invitant à pénétrer plus avant. On taille une bavette, on prend un pot… Surréaliste ! Photo de famille… The South will rise again.
Une fois de plus, la Ferme Madelone vibre le temps d’un soir : une rythmique légendaire pour un concert unique en Belgique quand on pense aux trois gaillards qui se retrouvent aux tréfonds de l’Ardenne: The Redding Coghlan Bell Band ! Noel Redding, débauché par Jimi Hendrix à l’issue de sa première prestation avec les Animals, et avec qui il vivra ses plus grands moments entre 1966 et 1969 ; Eric Bell qui égaillera les plus faramineuses prestations de Thin Lizzy à la plus mémorable époque de Phil Lynott; John Coghlan qui sera le batteur attitré de Status Quo au moment de sa plus riche période. Nos trois amis nous donnent rendez-vous pour une soirée unique et mémorable dans un cadre tout aussi exceptionnel : un moment de très haute intensité. Quand je pense que Noël Redding était aux côtés de Jimi à Woodstock et que Bell côtoyait Phil dans les pubs de Dublin… Séquence émotion.
Un des concerts qui me laissent le souvenir le plus positif de l’acoustique de Forest National: un son superbe. Et un solo de basse dantesque. Une grande soirée, manifestement, dans un Forest National en phase avec l’événement. Mais c’est étrange, le souvenir le plus vivace qui me reste est celui du trajet au cours duquel je découvre avec stupéfaction et surtout délectation « Rage & Glory » de Neil Young : la claque de l’année, ma découverte d’un grand bonhomme à côté duquel j’étais passé durant toutes ces années…
Une vaste prairie, trois scènes, et des dizaines de milliers de t-shirt noirs ou de blousons de cuir de même couleur : le décor est planté, le spectacle est impressionnant ! La faune est à la hauteur de l’affiche : bigarrée et colorée, puissante et variée. Je retrouve Primus (après les avoir vus à sept reprises lorsqu’ils ouvraient pour Rush) sans tomber à nouveau sur leur charme. Dream Theater me semble toujours aussi soporifique, avec l’inconvénient majeure supplémentaire que je pensais – a tort – que leur jeu live donnerait un peu plus de vie, de corps, de chaleur et de cœur à leur musique froide au possible. Erreur : cette prestation me semble sans âme ni vie, bien qu’ils restent des musiciens hors paire et d’exceptionnels techniciens – mais de là à dire qu’ils sont charismatiques et que leur musique parlent aux tripes, non. Définitivement non… La toute grande foule est là pour le Sabbath, pour Black Sabbath qui aligne ici son line up originel et original : l’événement musical de l’année ! Ozzy, au micro, chauffe le public depuis le backstage avant même le commencement du show : « Do you fucking hear me ? ». Le concert est à la hauteur des espérances, de toutes les espérances : nous vivons un véritable moment d’anthologie ! Le double CD live qui succédera à cette tournée s’appelle « Reunion » – et le titre correspond admirablement à la réalité. L’image du jour ? Notre brave Ozzy qui se déculotte et expose ostensiblement son postérieur aux 50.000 paires d’yeux. Un classique, allez-vous me rétorquer. Effectivement. Mais jusqu’au moment où Ozzy dépose son micro pour bien écarter les fesses de ses deux mains…
Quatre jours plus tard, d’une capitale (belge) à une autre (luxembourgeoise) : le Quo à la patinoire grand-ducale, ou comment faire fondre la glace avec trois accords seulement. Car ils y réussissent, les bougres ! C’est vrai que depuis le temps qu’ils les manient, leurs trois accords, ils savent comment s’y prendre pour les faire vibrer au bon endroit au bon moment avec les bonnes personnes. Bref : à quoi ressemble plus un concert de Status Quo qu’un autre concert de Status Quo?A un concert de Status Quo bien évidemment ! Pas de surprise donc – ni bonne ni mauvaise, juste une soirée prévisible à souhait et un set téléphoné qui n’enlève rien, strictement rien à la qualité de celui-ci…
Sans doute mon pire concert à Forest National ? Dépendant de mon chauffeur, je suis contraint d’attendre péniblement la fin de cette soirée. Sinon j’aurais quitté Forest en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Zonant entre le bar et la fosse, je nourris l’espoir que Michaël Schenker soit meilleur (moins pire) que Joe Satriani qui le précède dans l’ordre d’apparition sur scène. Mais en vain. J’espère ensuite qu’Uli Jon Roth me fasse rapidement oublier son compatriote, mais c’est peine perdue – le troisième show est digne du premier, voire du second. Rien, il n’y a strictement rien à retenir de cette soirée… Décevante nuit au cours de laquelle se succèdent trois virtuoses de la gratte, certainement, mais que tout cela est creux, vide, froid, inodore, incolore, sans âme ni chaleur. Bref : à l’image de Forest : quasi vide…
Entre odeurs de barbecues et vapeurs de haschisch, entre émanations de pains-saucisses et saveurs de bières fraîches, les 13 heures de Boogie Town de Louvain-la-Neuve sont fidèles à elles-mêmes. Sous un soleil de plomb au rendez-vous, la pelouse est jonchée de corps inertes et de gobelets vides – un festival comme un autre. Sous la tôle ondulée du Tennis Club du Parc, les décibels sont aussi au rendez-vous. La claque du jour s’appelle Big Sugar, en provenance de Toronto. Un impressionnant mur de Marshall, dressé après la prestation d’Omar & the Howlers qui le précède sur l’affiche, annonce la couleur. Et quelle couleur ! Avec Gordie Jonhson – alias Big Sugar – ça chauffe très méchamment dès le premier accord saluant leur entrée sur scène. Effet presqu’immédiat et surtout révélateur : à la première disto qui troue et déchire le brouhaha ambiant du hall, la grande foule reflue vers le soleil et l’herbe à l’extérieur, d’où les décibels semblent plus supportables ! Le reste du concert sera du même acabit. Ce blues graisseux teinté d’harmonica, syncopé de rythmes reggae et entrecoupé de riffs distorsionnés, est vraiment pour moi LA révélation du jour! A souligner auparavant, la superbe prestation de Lester Buttler, l’homme aux tatouages, pour qui ce doit être la dernière prestation scénique : il meurt trois jours plus tard, victime de l’overdose de trop au moment de reprendre son avion pour l’Amérique. Est-ce son dernier concert, ou a-t-il eu le temps de se produire une ultime fois le lendemain ? RIP… Steppenwolf nous balance son Born to be Wild en plein milieu de son set alors qu’on l’attendait intuitivement à l’occasion du rappel – ce qui enlève dès cet instant tout intérêt à attendre la fin de son show, de moyenne qualité de surcroît. Jimmy Vaughan, bouclant cette journée de bonheur, parvient presque à nous faire oublier son frère – et ce n’est pas peu dire. Qu’est-ce qu’il doive s’offrir comme gig là-haut, au paradis des rockers… !