VALIENT THORR opening for CLUTCH @ Ancienne Belgique, Brussels – 14 dec. 2016 – now online !
Auteur : Yves-Marie François

Etre puni par où on a péché, mais aussi disparaître tragiquement au sommet de sa gloire – ou comment Rory GALLAGHER est entré au Panthéon de l’Histoire du RRR (Real Rock’n’Roll) par la toute grande porte. Ainsi se créent les mythes, ainsi les légendes s’écrivent. (Et si l’on est effectivement puni par où l’on a péché, que la prostate de Rocco Siffredi ne défaille pas avant le reste…). Rory avait 47 ans quand son foie a défailli, quand sa greffe a eu raison de lui. Nous n’avions que 30 ans. Il en a toujours 47 aujourd’hui, et nous en avons bien plus maintenant…
D’un blues-rock assez rustique jusqu’à un rock de plus en plus puissant dans les années ’80 avec le cataclysmique live "Stage Struck", GALLAGHER a toujours su garder une sensibilité très bluesy qui le démarquait des autres guitar heros. Jusqu’au triste soir où son corps de 47 ans n’en a plus voulu, de cette saloperie de greffe. Et de tout le reste qu’il lui avait fait endurer.
Nous n’avons eu droit qu’à un seul face-à-face avec la Bête – c’était en 1994 déjà. Rory GALLAGHER, c’était 100% party, 200% no compromission, 300% energy, 400% live on stage et 500% heart & soul. Ce soir à nouveau, les yeux fermés, c’est à s’y méprendre. Car BAND of FRIENDS n’est pas un tribute band : c’est un groupe au sein duquel le destin a, par la force des choses, troqué l’élément fondateur centripète par une symbiose explosive à force centrifuge.
En 35 ans de carrière, l’homme à la chemise à carreaux a vendu des dizaines de millions de disques sans jamais se la péter. Gerry McAVOY, durant vingt ans, a été le bassiste de celui que Jimi Hendrix himself désignait comme le plus grand guitariste. Nous avons déjà rapporté que dans une interview, à la question : "Qu’est-ce que ça vous fait d’être le meilleur guitariste du monde?", Hendrix répondit tout simplement: "Je ne sais pas, demandez à Rory Gallagher".
Gerry McAVOY rejoint donc le premier groupe de GALLAGHER en ’67 à Belfast. La littérature prétend que Rory avait réussi à articuler ses chorus dans une rythmique sous-jacente avec pour conséquence que, lorsqu’il partait en solo, on avait toujours l’impression qu’un guitariste rythmique jouait derrière lui. Cette technique terriblement exigeante fait que GALLAGHER n’a eu que très peu de successeurs. Et à ce petit jeu – ou plutôt à ce jeu de titan – Marcel Scherpenzeel n’a aujourd’hui pas que la consistance de Rory au sein du BAND of FRIENDS mais également son panache et sa flamboyance.
Edward " Ted " McKenna aux drums est le troisième homme du BAND of FRIENDS, lui qui a officié à la charnière des 70′ et des 80’s aux côtés de GALLAGHER également. Le trio ne fait donc pas que célébrer la musique de Rory, c’est également le son, l’énergie, le doigté, l’âme et le charisme de GALLAGHER qui sont à la fête ce soir encore. Encore, encore et toujours.
Y a-t-il d’ailleurs jamais eu autant de sueur qui ait coulé sur les planches du Spirit of 66, autant que ce soir, autant que Rory himself en aurait fait couler?! Too much is not enough: une étoile continue sacrément de briller là-haut, didju…

Ne jamais snober une pré-première partie, jamais ! Il y a de ces inattendus qui font ainsi grand plaisir: LIONIZE, par exemple. Si les Américains sont estampillés hard rock, ils évoluent dans une vaste étendue qui court bruyamment du reggae au funk. L’hyper-amplification est omni-présente et fidèle au rendez-vous, à l’image d’un organiste qui relève le recette d’une touche vintage loin d’être négligeable et désagréable. Oserions-nous dire que LIONIZE est pour nous la bonne surprise de cette fin d’année…?!
Comme quoi il ne faut donc ô grand jamais négliger ni snober les avant-soirées de première partie, celles-là même qui précèdent les têtes d’affiche – en l’occurrence CLUTCH ce soir. Total respect à ces bands à l’instar de LIONIZE qui se produisent seulement 30 petites minutes à l’heure de l’after-work dans des salles vides ou quasi. Total respect, les gars: vous avez fait de cet apéro-time un moment à très, très haute valeur-ajoutée. Et tant pis pour ceux qui étaient encore à leur affaires.
Leurs compatriotes de VALIENT THORR prennent les planches d’assaut une demi-heure plus tard pour nous déverser un stoner plus hard rock que véritablement stone.
Valient Himself à l’éructation, Eidan Thorr à la 6 cordes, le Dr. Professor Nitewolf Strangees à la basse, Voiden Thorr à la rythmique et Lucian Thorr aux drums: qu’on le(s) prenne au premier ou au second degré – voire mieux, au troisième – l’effet est boeuf et puissant. Et quoi de plus puissant qu’un boeuf?! Les faits ne trompent pas, et l’effet non plus.
CLUTCH: blues-métal ou métal-blues? Plutôt stoner-rock ou heavy-funk? Allez savoir. Un son tel une locomotive, vrombissant et rentre-dedans. La masse est fumante, à la fois souple et lourde mais fluide comme une coulée de lave incandescente, rendant l’atmosphère suffocante mais ô combien agréable et jouissive comme un sauna.
Voilà plus de deux décennies que les caïds de CLUTCH décrassent les oreilles avec leur southern blues metal & stoner bien poilu et couillu. Leur onzième galette «Psychic Warfare» est prétexte à cette tournée mondiale qui aligne de ces orgasmes musicaux en titane rugissant, aux antipodes de ces concerts fades et en panne d’inspiration.
CLUTCH nous a bluffé, réservant une de ces soirées auxquelles vous allez les mains dans les poches et qui finalement vous retournent comme une crêpe et vous lessive les neurones. Oui, ça existe encore – pour ceux qui en douteraient.

Tout s’éclaire quand vient le soir. Quelques homologues photographes (français) nous livrent l’explication d’un long, très long mystère. "T’as pas de carte de presse luxembourgeoise estampillée du sceau du Grand-Duc? Tu peux alors te brosser avant que Den Atelier t’accrédite pour le moindre de ses concerts…". Ceci explique donc cela, depuis de nombreuses années. Petit pays, petite mentalité…?
Par bonheur – ou plutôt par intelligence et tout simplement par intérêt – les labels et les tour managers ont l’esprit moins étriqué. Accrédité-photo ce soir par Nuclear Blast en l’occurrence, le label nous permet donc de contourner les doigts dans le nez ce tir de barrage d’un autre âge et cette espèce de protectionnisme passéiste et totalement petit. Quelques minutes seulement après avoir introduit notre demande d’accréditation il y a quelques jours auprès des organisateurs comme le veut la procédure, la réponse de Den Atelier fusait (comme chaque fois): pass-photo refusé par le label. Même pas envie de leur rétorquer que ce dernier nous l’avait déjà accordé…
L’affiche annonce MYRKUR en opening act mais qu’en est-il finalement ?! Inutile de le demander à Den Atelier – nous ne sommes pas sujet de son Grand-Duc. Un trio féminin venu d’ailleurs – une espèce de Mystère des Voix Bulgares – berce Den Atelier d’une douce et lancinante mélancolie a cappella qui sonnerait presque comme le glas avant de laisser le chant libre à OPETH. Et si ce n’est pas le glas, on ne peut pas dire non plus que ça égaye particulièrement les hardeux qui se replient en masse sur les bars pour se rafraîchir (?) de pils plates et tièdes facturées 4 € bien que servies depuis au moins 1/4 d’heure – voir plus si affinités.
OPETH… Les Suédois sont sensés combiner métal, doom, classic rock, prog, folk et même free-jazz. Si sur chaque CD pris individuellement le résultat peut sembler cohérent car formant un tout relativement homogène, tous ces "tout" mis bout à bout relèvent de la bouillabaisse en live. Un peu comme si on vous servait au restaurant le potage en même temps que le dessert et les zakouski avec le plat principal. Sans doute tous ces mets sont-ils, individuellement, délicats au palais. Mais quel gâchis et quelle purée quand le serveur vous balance indistinctement le tout dans votre gamelle avec tantôt comme un brin de morne arrogance tantôt comme avec un chouia de désinvolture – allez savoir…
Il n’est pas donné à tout le monde de jouer les équilibristes, de réussir cette savante et délicate alchimie d’allier les contraires, de marier les opposés et de réconcilier les extrêmes. Tout le monde ne s’appelle en effet pas Steven Wilson… par ailleurs mentor d’OPETH et même producteur de trois de leurs albums unanimement considérés comme les meilleurs du combo suédois (tiens, tiens…).
Mais ce soir, rien à faire, la sauce ne prend pas et vire à la soupe, la soupe à la bouillabaisse et la bouillabaisse à l’égout. L’essence d’OPETH n’est plus l’extreme-heavy sound de leurs débuts mais n’a pas encore trouvé sa juste tonalité non plus. Si l’essence d’OPETH est le changement – comme ils le prétendent – attendons alors que la chrysalide ait fait place au papillon. Les Australiens et Néo-Zélandais qui les attendent en seront peut-être les heureux témoins…

Nous ne marchions pas encore que Jeff BECK intégrait les Yardbirds: toutes ces décennies, ça fait froid dans le dos ! Et comment dissocier le nom de Jeff BECK de ceux de Jimmy Page, Eric Clapton, Tim Bogert, Carmine Appice, Rod Stewart, Ron Wood, Cosy Powell…? Ca donne le vertige, ça fout le tournis d’avoir devant notre objectif, dans ce superbe Cirque Royal bruxellois, une légende vivante. Trois heures avant le début du concert, nous n’avions pas encore obtenu le feu vert du tour manager pour le précieux sésame: un pass-photo à H-3 (…et à 150 bornes de là), maintenant ça c’est fait.
Vous connaissez, vous aussi, de ces gens-là qui se pointent le matin au bureau (ou à l’usine) et qui n’ouvrent pas la bouche de la journée. Pas une blague, pas un bonjour, pas un merci, pas un pardon, pas un s’il vous plait. Rien, nada, niets, nothing, que dalle. A peine une sourire en arrivant, et au mieux un au revoir en partant. A se demander si ces gens-là ne seraient pas mieux en télé-travail. La légende Jeff BECK, c’est un peu la même chose.
Non pas que ces gens-là bossent mal ou peu, ou qu’ils n’en touchent pas une. Que du contraire: ce sont parfois eux qui font tourner la boutique et qui abattent un max de taf, comparativement à d’autres grandes gueules qui n’en touchent pas une tout en faisant croire le contraire, laissant entendre que sans eux rien n’existerait. Le mythe Jeff BECK, c’est un peu la même chose…
Jeff BECK, c’est donc un peu comme les croquettes Mc Cain: ce sont ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus. Mais bon, à quoi bon se déplacer à un concert si c’est pour n’avoir que le son et pas l’image…?! Mouais, Jeff BECK nous laisse donc quelque peu sur notre faim. Il nous attristerait presque: comme il doit être fatigué, ce si grand Monsieur hors-format, au point de ne plus brûler plus pour ce qu’il fait. Qu’il doit être usé, pour ne plus vibrer sur scène. Qu’il doit être éteint pour si peu rayonner…

Ce constat n’enlève rien, strictement rien au mythe, mais le grand maître des riffs, synonymes d’aventures musicales et d’improvisations grandioses avec sa Fender Stratocaster, est aujourd’hui fatigué. Ce doit être un jour sans. Pas le choix: ça doit… Le Jeff nous balance du BECK et du Yardbirds bien sûr, mais aussi du Jimi Hendrix ("Little Wing") , du Sam Cooke ("A change is gone come"), du Impressions ("People get ready"), du Stevie Wonder ("Superstition"), du Don Nix ("Going down") mais aussi du Beatles (avec l’intro de "A day in the life"). Tout le monde s’y retrouve donc. Nous, un peu moins.
Il est des personnages qu’il faut avoir vus, il y a des tronches qu’il faut avoir shootées, il est des légendes dont il faut avoir croisé le chemin, il y a des mythes qu’il faut avoir côtoyés, il est des guitaristes qu’il faut avoir vu live on stage: Jeff BECK en fait partie. Mais il fait aussi désormais partie de ces génies qu’il vaut mieux dorénavant écouter tout simplement, en se contentant de garder en mémoire, pour la grande Histoire, les images de leur splendeur passée. Car il est de ces bougies qu’il faut rallumer, de ces braises qu’il faut raviver. Ou définitivement laisser s’éteindre. Même si tout le monde ne peut pas être et avoir été, total respect Mister BECK.

Nous étions adolescent lorsque Ballroom Blitz avait nos faveurs dans le juke-box de « chez Madeleine ». Ce titre phare de SWEET se la partageait à Baby Snake de Frank Zappa, que nous faisons alternativement et surtout indéfiniment tourner en boucle dans le bistro en monopolisant le mange-disque. C’est ainsi que nous avons découvert SWEET au tout, tout début des eighties alors que le band avait déjà pourtant une longue histoire derrière lui et un semi-remorque de hits à son actif.
C’était le temps de nos premiers bistrots, de nos premières bières, de nos premières amourettes sur les banquettes feutrées de rouge dans le coin sombre, à gauche au fond du café – quand on ne jouait pas au billard à l’étage. Entre un SWEET et un Frank Zappa, on payait notre chope avec une pièce de 20 francs qu’on claquait bruyamment sur le comptoir lustré de la Madeleine, pour faire comme dans les films de western… Car c’était aussi l’époque où coïncidait l’apparition des pièces de 20 francs belges et le passage de la chope à ce même prix.
C’est dire combien le concert de SWEET ce dimanche soir à la Rockhal revêt une saveur particulièrement nostalgique et dégage une senteur adolescente. Et nous n’étions de loin pas le seul de l’assemblée à vivre ce revival glam rock, même si sans doute ne sommes nous pas le plus jeune non plus de la salle – mais quasi. Trois photographes accrédités seulement, dont les deux autres couvraient également le show des Chippendales ( !) dans le mainhall voisin du club de la Rockhal.
Le délégué de Kultopolis, le promoteur du concert, nous accueille himself à l’entrée presse. Il ne nous délivre pas le traditionnel pass-photo à arborer en guise de laisser-passer, mais nous offre un service pour le moins personnalisé en nous conduisant jusqu’au cerbère de faction qui garde l’entrée du pit front stage. Un service d’autant plus personnalisé qu’il nous précise même qu’Andy SCOTT, seul membre originel de la formation époque fin sixties, se tient stage right (ou stage left, depuis le public), sous-entendant donc de braquer notre objectif sur ce côté de la scène…

Des concerts desquels on sort à 21h20’, de mémoire de rocker, ça n’est pas tous les soirs ! 1h20 sur scène pour les cinq revenants d’une époque révolue qui nous ont fait voyager dans le temps en nous déversant tous leurs hits – dont une partie non négligeable fait partie du patrimoine culturel et immatériel de l’humanité tant ils ont été repris… 20h00: back to the roots. 21h20: back to the future. Mission accomplie. SWEET memories…

C’est ambiance caribou et police montée à la sauce canadienne ce soir, et on se prend dans les gencives l’affluence des grands jours dès l’accès aux parkings de la Rockhal. Le bon peuple est venu pour se trémousser sur NICKELBACK, les rockeurs sont venus pour déguster du MONSTER TRUCK. Le grand public est venu pour se dandiner avec NICKELBACK, les connaisseurs ont fait le déplacement pour savourer MONSTER TRUCK.

En forçant le trait, tailleurs, talons aiguilles et coupes de bulles pour NICKELBACK; cuir, boots et chopes pour MONSTER TRUCK. Chacun son style – on n’a pas choisi le nôtre, on est né comme ça.
Il est comme ça des opening acts et des special guests qui valent à eux seuls le déplacement: MONSTER TRUCK en fait partie. Il est par contre aussi des groupes qui sont devenus guimauve et mainstream sans même avoir eu le temps ni surtout pris la peine de confirmer tout le bien qu’on pensait pourtant vraiment (oui, vraiment) d’eux à leurs débuts: NICKELBACK est de ceux-là. A l’instar de Greenday ou de Limp Bizkit qui drainent un public similaire ou quasi, NICKELBACK ne restera jamais qu’un groupe mainstream parmi d’autres. Et qu’y a-t-il de pire pour des rockers que d’être mainstream, on vous l’demande…?!
Soirée tout en contraste donc, tant sur scène que dans une Rockhal pleine comme un Polonais en fin de carême, avec néanmoins un point commun, et non des moindres: une sono aussi ahurissante qu’époustouflante qui crache des décibels d’une rare violence mais d’une pureté tout aussi rarement atteinte. Chapeau le crew, ou chapeau la Rockhal – ou probablement beaucoup des deux.

Après YES et DREAM THEATER ici-même, au tour des enfants gâtés de NICKELBACK de refuser aux photographes l’accès au pit du front stage. Sans doute est-ce symptomatique d’un rock’n’roll circus qui, avec certains groupes, n’a plus de rock’n’roll que le nom, et révélateur d’un band qui se la pète décidément plus haut que son trouduc et qui ferait mieux de repartir au charbon dans son Alberta natal.

Relégués soit bien haut au plafond, sur la galerie, ou quasi moins pire à la table de mixage (notre choix), la tâche des photographes n’a pas plus de saveur que les ritournelles faciles d’un band qui se la joue désormais bien trop à l’aise également. Et à vaincre avec des rengaines sans péril, on triomphe sur scène mais sans gloire…
Ce soir, d’un point de vue strictement rock’n’rollesque, MONSTER TRUCK a dévoré NICKELBACK: le grizzli a bouffé du caribou tout cru et n’en a fait qu’une seule bouchée. Si NICKELBACK récolte certes les fleurs de la part d’une assistance qui leur est toute dévolue, leurs roses sont décidément mièvres et fanées quand on hume la senteur épicée et corsée des ronces déversées par MONSTER TRUCK. N’avoir été finalement accrédité-photo par NICKELBACK que sur l’invitation de MONSTER TRUCK n’en a pour nous que plus de saveur: être rock’n’roll et non pas mainstream, chacun son style. SLASH ne s’y était d’ailleurs pas trompé en 2014 en leur confiant la lourde tâche de chauffer les corps et les esprits…






























































































































































































