Retour vers Detroit, la Motor City bien nommée, et plus précisément downtown: Joe Louis Arena. Je dois me pincer en poussant les portes de la salle, en me persuadant que je suis bien là, que je suis bien ici, que c’est bien le soir du New Year’s Eve Whiplash Bash du Nuge. Cela fait des années (des décennies ?) qu’il gratifie son Michigan natal d’une mini tournée entre Noël et Nouvel An avec cette soirée de réveillon en point d’orgue, en apothéose.
Et j’en suis. Qui plus est, assis dans les places VIP à côté de… Charlie Hunn, son ancien guitariste devenu depuis cadre chez Ford. Alice COOPER assure toujours la première partie et chauffe admirablement bien la salle. Celle-ci est énorme, immense, gigantesque, et se remplit au fur et à mesure que le premier groupe (des gars du cru) joue déjà.
L’assemblée est bariolée : des rockers purs et durs mais toutes générations confondues, des familles entières venues avec papa, maman et les enfants, et surtout – surtout – un public féminin comme ces derniers soirs, à l’inverse de ce qu’on peut connaître en Europe. Quel bonheur quand, pour chauffer l’assemblée, ces blondes à forte poitrine (!), assises sur les épaules de leur copain ou de leur copine, commencent à relever leur t-shirt pour exposer leurs généreux attributs aux exclamations et acclamations de la salle ! C’est à celle qui déclenchera la plus longue clameur… Ambiance américaine, peu concevable en Europe. Et, plus surprenant encore, en cours de soirée, ces centaines de couples arrivant en smoking et en longue robe de soirée, venant assurément terminer leur réveillon ici sur place, ou s’offrant un break au milieu de leur nuit de nouvel an avant de repartir vers de nouvelles aventures ! Le clan Nugent au grand complet est toujours là, et le Nuge prend le relais après qu’Alice Cooper ait chauffé monstrueusement la salle. Arrivée de Ted sur scène sur son… bison: impressionnant et surréaliste. Le concert du Nuge sera un moment d’anthologie – avec les douze coups de minuit en point d’orgue, paroxysme, quand descendront du plafond des milliers de ballons multicolores dans un déluge de décibels et d’explosions de lumières et de fumigènes après que le grand Ted ait lancé à toute la salle un compte à rebours pour les 30 dernières secondes de l’année. Ce décompte se termine par un magistral « Happy Fucking New Year ». Un feu d’artifice explose… en intérieur: une première pour moi ! Délire dans la salle, tout le monde s’embrasse, se serre la pince, chante, hurle, crie… avant que le concert ne recommence de plus belle. Et avec quoi ? Avec Motor City Madhouse. Le coup de massue ! Le plus grand moment de tous : Motor City Madhouse joué live à Detroit, Motor City. S’il ne fallait retenir qu’un moment, ce serait celui-ci. Le public n’en peut plus – l’hystérie totale – la communion – la fusion – l’osmose.
Le retour vers mon minable motel de banlieue pour une dernière nuit avant le retour vers l’Europe me sortira de mon rêve pour me ramener dans une réalité bien plus glauque et misérable : celle d’une métropole américaine comme une autre, celle d’une ville tout court : pauvre, salle, minable.