TURBONEGRO – De Casino, St-Niklaas – 1er novembre 2025

Il y a toujours, dans la découverte d’une nouvelle salle, d’un nouveau bar, d’une configuration encore inexplorée, ce frémissement familier qui précède les grandes soirées. Même si, au fond, les visages du pit-photo restent invariablement les mêmes, silhouettes complices que l’on croise de scène en scène aux quatre coins du pays et hors-frontières. Cette fois, c’est à Sint-Niklaas, au De Casino, que nous mène la route. Une longue route, d’ailleurs : plus de deux heures de trajet, un PV en guise de souvenir, pour finalement apprendre — à peine la porte d’entrée poussée — que le concert vient d’être annulé. Coup de massue.

L’explication est immédiate. Notre cher Tommy Manboy — le même qui, cet été, nous avait enlacé en bondissant hors de scène après l’explosive prestation de TURBONEGRO au Sjock Festival — s’est blessé cet après-midi, juste après le soundcheck. Côtes froissées, peut-être fracturées. Impossible, dans cet état, d’assurer le show. Le verdict est sans appel : pas de batteur, pas de concert.

Pourtant, une étrange énergie flotte déjà dans l’air. La scène est montée, le matériel parfaitement en place, le soundcheck accompli. Et SHA-LA-LEES, chargé de lancer la soirée compte dans ses rangs un batteur qui s’est déjà fait la main sur quelques morceaux de TURBONEGRO. Ce simple fait, apparemment anodin, va faire basculer la soirée. L’occasion est trop belle, les Nordiques saisissent l’occasion avec l’enthousiasme de ceux qui n’ont rien à perdre : ils kidnappent et enrôlent ce remplaçant de fortune, cet oiseau tombé du ciel, et bricolent une set-list autour des quelques titres qu’il maîtrise. En un souffle, la soirée renaît.

Ainsi débute un mini-set d’une demi-heure, porté par un line-up aussi improbable que sa set-list. Et pourtant, quelque chose prend. La machine se met à ronronner directement dès le 1er morceau, puis à rugir dès le second. La cohésion, un court moment hésitante, se resserre riff après riff, et on se surprend à sourire devant cette alchimie aussi inattendue qu’improbable, née de circonstances presque absurdes. Un miracle du rock’n’roll, en somme.

The Duke of Nothing et ses compagnons, galvanisés par cette issue qu’ils n’avaient sans doute eux-mêmes pas envisagée, nous délivrent finalement un set à l’énergie irrépressible qu’on leur connait. Et, en gentlemen qu’ils savent être, ils annoncent que les billets de ce soir restent valables pour le concert promis cet été, même lieu, même heure, manière de se faire pardonner. Surtout, ils offrent gracieusement cette prestation improvisée à tous ceux qui ont poussé la porte du Casino après l’annonce de l’événement en tout début de soirée sur les réseaux sociaux. De grands seigneurs, définitivement.

Mention très spéciale à SHA-LA-LEES. Pas seulement à leur batteur sauveur de soirée, mais au groupe entier qui a déversé en ouverture un garage-rock brut, graisseux, vibrant, digne héritier des heures les plus fiévreuses du MC5 ou de GRAND FUNK RAILROAD. Une véritable claque sonore, vintage et sauvage. Comme quoi, les vieilles recettes restent inégalables lorsque les jeunes pousses savent comment fricasser dans les vieilles casseroles du real rock’n’roll…