Hormis son orifice nasale, la commissure de ces lèvres et quelques parcelles d’yeux sombres (au nombre de deux, nous le confirmons), bien malin qui peut savoir qui se dissimule sous les systèmes pileux et capillaire du dernier homme des cavernes du r’n’r circus…
Temporairement orphelin du Black Label Society provisoirement délaissé, la prestation de son leader Zakk WYLDE se confirme néanmoins riche à souhait, dense et intense, ponctuée d’envolées d’arpèges à 6 cordes mais aussi de gammes d’ébène et d’ivoire.
La voix rauque de WYLDE, toujours aussi impressionnante et volumineuse, semble ne pas pouvoir se contenter de tout le cubage du Metal Dome pour exprimer sa pleine puissance. Alliée à un jeu de guitare aérien qui lui sied à souhait, le tout confère à l’ensemble une profondeur abyssale qu’aucun formole ne pourra jamais conserver – magie de l’éphémère présent qui agit comme si c’était à chaque coup la première fois….
La tournée finale de BLACK SABBATH fait escale au Graspop où les godfathers du heavy metal font leurs adieux définitifs (?) aux métallos du Bénélux. Pour l’occasion, les deux mainstages arborent en leur sommet un drapeau belge, c’est dire si cet événement aussi international qu’historique est appelé à s’inscrire dans l’Histoire. Mais avant cette apothéose en guise de dessert à l’issue d’une journée de festin bien remplie, quelques consistants plats de résistance agrémentent un après-midi surprenamment sec, ô surprise.
Les punks californiens de BAD RELIGION nous offrent une rafraichissante et ô combien tonique cure je jouvence sur la mainstage 1 avant de laisser ensuite place nette à HEAVEN SHALL BURN sur la seconde mainstage. Moshpit, pitcircle et autres death walls sont un des signes tangibles de la monstruosité destructrice et de la force de frappe du deathcore allemand que d’aucuns qualifient de mélodique (???). Une version teutonne et survitaminée d’Hatebreed qui ferait presque passer les Américains pour une chorale d’enfants de choeur ou pour un orchestre de petite musique de chambre…
MOONSPELL prend le relais sur la scène de l’immense marquee et nous gratifie de la (bonne) surprise du jour: Un death/black metal efficace, propre et sans gimmick ni chichi, surfant parfois sur la vague du gothique mais sans jamais sombrer dans ses ridicules travers musicaux ni clichés grand-guignolesques éculés. Les Portugais sont à ce point intéressants qu’ils nous font faire l’impasse sur FOREIGNER qui, sur papier du moins, fait presqu’office de cheveu dans la soupe sur l’affiche de cette première journée de Graspop.
La prestation creuse et sans intérêt aucun de DISTURBED sur la mainstage n°2 n’a d’égale que le caractère affligeant et pathétique de celle de MEGADETH qui monte ensuite à l’abordage des planches de la mainstage n°1. La bande à Mustaine confirme définitivement son ADN insipide, inodore, incolore et totalement surfait qu’on lui connaissait déjà. Ce vacuum musical est à ce point morne et mortifère qu’il déteint même sur une foule qui s’assoupit au son monotone et soporifique d’un électrocardiogramme aussi désespérément plat que celui d’un canal qui se serait pendu dans ce tout aussi plat pays qui nous accueille.
C’est à se demander comment MEGADETH peut encore se targuer de figurer à la une d’une certaine presse et de briguer le haut de l’affiche de tels festivals. La messe noire de DARK FUNERAL qui officie ensuite dans le marquee porte admirablement et bruyamment bien son nom, mais nous optons néanmoins pour une autre cérémonie dans le metal dome avec le grand-prêtre Zakk WYLDE en chasuble de jeans bien planté derrière son autel (voir ci-avant).
Un joyeux et virulent instantané de viking metal estampillé AMON AMARTH nous prépare sur la mainstage 2 pour le dernier plat de résistance de la journée, made in Birmingham. C’est d’ailleurs dans leur fief anglais que les maîtres des forges termineront début 2017 cette tournée mondiale d’adieu qui fait escale ce jour en Belgique. Ce très probable dernier show de BLACK SABBATH à notre compteur est le septième du nom, dont deux "seulement" avec le line-up originel. Le premier remonte à 18 années déjà, sur la présente mainstage de la plaine de Dessel à l’occasion de l’édition 1998 du Graspop. Bill Ward officiait encore aux drums, et nous gardons encore intact le souvenir d’un Ozzy exhibant son postérieur à la foule, prenant délicatement soin d’écarter avec classe et distinction les joues rebondies de ses deux fesses pour en dévoiler leur plus intime orifice….
Ce 7ème show du Sabbath à notre actif est parfait et sans surprise, mais n’égale cependant pas notre top du genre il y a 3 ans déjà à Amsterdam. C’est d’ailleurs sans compter les précédentes démonstrations de force du band à géométrie provisoirement variable sous les appellations Heaven & Hell ou autres Ozzy Osbourne’s Band qui ont égayé ces dernières décennies…
Ozzy est dans une forme sobre et posée, et aucune fausse note (au propre comme au figuré) n’est à mettre à son passif; Geezer se révèle toujours proportionnellement aussi discret que son jeu demeure littéralement impressionnant; Tony-la-classe se la joue comme à son habitude sans esbroufe ni vague mais avec la puissance d’un tsunami. Clufetos aux drums en est presque le trublion de service, à l’image d’un ado refoulant néanmoins sa crise pour ne pas déchaîner l’ire de ses parents.
Le SABBATH fait montre de la maturité et de la classe de celui qui n’a plus rien à prouver, et c’en est d’autant plus éclaboussant de propreté et percutant de naturel. N’en demeure pas moins étrange qu’aucun extrait de leur dernier et ultime album "13" ne figure sur la set list, alors qu’on aurait pu penser qu’aurait été davantage célébrée cette oeuvre (presque) posthume. Une place d’honneur est ainsi réservée aux classiques historiques du band en guise d’adieu définitif. Le Sabb’ tire sa révérence de la meilleure façon qui soit à l’issue de LA prestation parfaite qui remet toutes les pendules à l’heure pour qui aurait enterré trop vite la référence ultime en matière de métallurgie lourde: This is the end…
Alors que le bon peuple quitte la plaine de Dessel repu et satisfait, KING DIAMOND fait office de bande sonore à ce siphon de baignoire et réussit parfaitement sa mission probablement implicite: celle de faire fuir un maximum de monde en un minimum de temps. Mission accomplie pour ces bouseux carnavalesques, à la fois pâle et affligeante copie visuelle d’Alice Cooper et piètre bouillie musicale sans nom ni raison d’être. On est au milieu de la nuit, et le cover MOTORBLAST sur la scène du metal dome ne parvient qu’à raviver le souvenir douloureux d’un Lemmy qui laisse décidément tout le monde orphelin ici…