RIP Arnold « Arno » HINTJENS
21 mai 1949 (Ostende) – 23 avril 2022 (Bruxelles).
Adieu, Mec, et surtout merci Godverdomme…
RIP Arnold « Arno » HINTJENS
21 mai 1949 (Ostende) – 23 avril 2022 (Bruxelles).
Adieu, Mec, et surtout merci Godverdomme…
Certains sold-out font particulièrement chaud au coeur, et sont plus poignants que d’autres. Celui d’ARNO ce soir à la Rockhal de Esch-sur-Alzette fait partie de ceux-là. C’est un grand ARNO qui foule la scène et qui nous offre du tout, tout grand ARNO. Celui qui nous émeut en l’écoutant chanter. Celui qui nous fait rire en l’écoutant conter. Celui qui nous fait danser en l’écoutant jammer.
Son nouvel album "Human Incognito" encore tout chaud sous le bras, ses nouvelles pépites n’en sont que plus fraiches et plus vierges encore en live. A l’instar de l’odeur qui baigne la boulangerie au petit matin alors que les miches sont à peine sorties du four.
Et de miches, il en est toujours beaucoup question avec ARNO, passant de la tête de bite de Mireille Mathieu (sic) aux gros roberts de sa grand-mère, sautant des miches aux moules, s’ébrouant des filles du bord de mer jusqu’aux putains (d’européens), sans oublier de s’émouvoir – de nous émouvoir – sur les yeux de sa mère qui elle aussi adore le noir.
Son dernier chef d’oeuvre délivre en live une puissance terrible et redoutable à l’image du remarquable band qui l’entoure, et ses nouvelles compositions demeurent le fidèle reflet de l’homme: hétéroclite et imprévisible, passant de la poésie à l’anarchie, des pulsions aux émotions. ARNO réalise comme toujours la magie de l’alchimie, celle de tout ingérer et de tout intégrer dans le melting-pot de 5 décennies d’un répertoire tantôt iconoclaste, tantôt si profond.
Putain, putain, c’est vachement bien un concert d’ARNO le jour même du 25ème anniversaire de la disparition de l‘Homme à la Tête de Chou: on aurait voulu mieux faire qu’on n’y serait pas parvenu. Que surtout l’alcool conserve bien des années encore la voix de notre ARNO national, et que les fumées continuent de tanner sa silhouette fatiguée et chiffonnée, et le plus longtemps sera le mieux. Après tout, il est presque tout ce qu’il nous reste de national avec la fête et les frites. Le reste est entre temps devenu fédéral.
Un costume sobre à l’image de celui qu’il est devenu, c’est l’habit gris de lumière du sieur Hintjens, ARNO de son prénom. Lui tirer le portrait est une jouissance de fin gourmet: tantôt écorché vif, tantôt écorchant à vif, son faciès marqué par l’âge et les excès est comme un masque de cire aux multiples facettes. Elles sont toutes complémentaires et pourtant uniques à la fois, stigmates d’une vie de bâton de chaise tout en rayonnant d’une bonhomie joviale et d’un humour grinçant, avant d’être l’instant d’après tristes et lugubres comme un jour sans bière. Chacune de ses expressions, chacune de ses grimaces, chacune de ses gimmicks est une poésie, un roman, un tapis d’éveil pour pixels et l’occasion de passer par tous les spectres de tous les visages possibles…
ARNO déroule toute sa belgitude déglinguée sur le plateau ardennais. De ses chères moules ostendaises à Tintin & Milou, du plat pays aux sommet de l’Ardenne, des gros robert de sa grand-mère pianiste aux iconoclastes yeux de sa mère, notre ARNO national tantôt émeut, tantôt amuse. Tantôt secoue, tantôt attendrit, tantôt remue, tantôt languit. Sa voix brisée colle à tous les registres par lesquels il transporte une salle pleine à craquer, terminant en bouquet final avec quelques classiques TCMatic pour secouer une dernière fois le cocotier. Sobre, sans dérapage ni coup d’éclat, ARNO signe un set propre et sans excès, comme pour mieux faire passer aujourd’hui par le biais de l’émotion ce qu’il transmettait auparavant à grands coups de frasques.
Toujours aussi volubile et charmeur, il conserve le charme du vagabond qui s’est mis ce soir sur son 31 pour mieux plaire encore à sa belle: la totale classe, qui le rend encore plus séduisant ou attendrissant – c’est selon. Soutenu par un band qui groove grave et qui – parfois – déménage, tous les registres sont à la carte et transportent le public des rires au larmes, du r’n’r à la mélancolie, du poétique à l’irrévérencieux. Mais toujours avec la touchante et émouvante ARNO touch qui conserve à ce fou du roi le charme du personnage assurément le plus attendrissant et le plus entier que la scène belge ait sans doute jamais connu.
ARNO 1er, couronné il y a quelques décennies déjà, reste Maître et Seigneur non seulement d’Oostende mais également de notre scène nationale – même si le titre de Saigneur lui conviendrait nettement mieux ce soir vu une set-list résolument (méchamment?) rock’n’roll. Le band bien couillu qui l’accompagne est un rouleau compresseur de tout premier ordre et sert un ARNO qui se la jouerait presque destroy s’il se laissait vraiment aller comme on pourrait l’imaginer.
C’est toujours une surprise avec l’Ostendais sur scène, ne sachant jamais ce qu’il peut nous réserver d’un soir à l’autre, le meilleur comme le pire. C’est assurément et à nouveau le meilleur qu’il nous offre sur la mainstage de Verviers, mêlant un son lourd et gras à son humour inversement fin et léger – quoique. Prenant même le risque d’expurger de sa set-list ses tubes les plus mainstream, deux TC-MATIC de derrière les fagots font néanmoins exception. Au vu de l’accueil qui leur est réservé, putain, putain, ARNO, t’es vachement bien !
Elliott MURPHY précède ARNO sur cette même mainstage en début de soirée. Le flibustier de la gratte reste toujours aussi sympathique, chaleureux et simple lorsqu’il s’agit d’adresser quelques mots en français à l’audience. Quelques reprises (Neil Young,…) ponctuent un set propret et sans surprise, presque plat et sans moments forts ni longueurs non plus d’ailleurs. Un set à l’image du bonhomme: sans vague ni effluve, sans un mot plus haut que l’autre, à l’instar d’un long fleuve (trop?) tranquille à qui on ne la fait plus et qui en a vu d’autres…
A l’affiche de ce dernier jour également – et parmi la septantaine d’artistes au programme de ces 3 jours – l’IRISH COFFEE de William Souffreau (les Deep Purple ou Uriah Heep.belges du début des… seventies!) revient mollement aux affaires, tandis que la pas-si-douce-que-ça Colline HILL joue également les intermèdes sur des scènes annexes. Nonobstant tous ces bons moments, un dimanche verviétois gris qui fleure l’automne et pue la rentrée, ça fout un peut les boules quand même…!
Un gros mois plus tard, direction Oostende pour un festival qui connaît quelques éditions estivales à succès sur ce qui s’appelle encore la côte belge (sur la côte flamande, doit-on maintenant dire – het spijt me). Nous arrivons que The Blasters terminent quasi leur set, laissant la place aux Screaming Blue Messiah. Heureusement qu’Arno remonte le niveau (sonore et musical) avec TC Matic (Putain, putain, c’est vachement bien…), sur ses terres qui plus est : autant dire que ça motive ! Back to the future ensuite avec The Kinks – je ne savais même pas qu’ils existaient encore, pour laisser ensuite place nette à ZZ Top qui nous sort la toute grosse artillerie – voiture hot-rod aux flammes rouges et jaunes, pépées high heel, et look ravageur. Gimme all you loving, Sharped dressed man, etc. Well, well…
ll était un temps où la photo n’était qu’argentique, et où il n’était pas aisé de pénétrer dans une salle de concert avec un boîtier 24×36… Il était un temps où Forest National était le temple – quasi unique – du rock en Belgique, où Torhout était le fidèle jumeau de Werchter, et où les tickets s’achetaient encore en francs belges. C’était le temps d’ Impédance sur les antennes de la RTB qui n’était pas encore la RTBF, l’époque où Philippe Manœuvre sévissait le soir sur France Inter et Antoine de Caune à Antenne2 alors que Francis Zégut (alias El Zegut) hurlait Wango Tango sur RTL radio. C’était du temps de Follies sur la RTB, des Enfants du Rock à la télévision française, ainsi que de Rapido, de Chorus, de Chewing Rock et – déjà – de Rockpalast…
C’était le temps où le 33 tours et les cassettes étaient le quotidien des ados – voire des jeunes adultes que nous étions déjà… C’était l’âge d’or où le rock n’était pas synonyme de formatage commercial à outrance et où les radios dites libres tenaient la dragée haute au service public et aux radios commerciales. C’était l’époque où le rock était arrivé à maturité avant de (se) décliner puis de s’éparpiller en une multitude de mouvements, d’écoles et de styles qui lui firent autant de bien que de mal… C’était aussi l’époque de Pierre Rapsat et de FN Guns à l’A10, de Front242 à l’Encan, des Nits à La Casa ou à Roland Van Campenhout à l’Ecume des Jours, d’Iggy Pop au Marktrock et de Téléphone sur la Plaine des Manœuvres. C’était du temps des Gangsters d’Amour au Marché Couvert et des Running Shoes, de Dole et des Chamallows à travers toute la sainte Luxie, de David Bowie que j’ai vu accompagné de Peter Frampton dans l’Olympic Arena de Los Angeles, de Georges Harrison à Leuven, du Chest’Rock au Tchesté. C’était du temps de tous ces concerts aux Fêtes de Wallonie, entre TC Matic à gauche et Chris De Burgh à droite, Jo Lemaire et son Flouze d’un côté et Les Révérends du Prince Albert ou Jimi Cliff de l’autre, de William Dunker et de tous ses puissants concerts organisés au gré des Fêtes de la Musique ou d’autres initiatives locales. Cré Tonnerre qui fait des vagues par-ci, Steel qui déclenche des tsunamis par-là, et quantité, quantité d’autres encore… Des concerts parmi tous ceux dont je n’ai plus ni photos ni tickets d’entrée – dommage ! – au contraire de tous ceux repris sur ce blog.
C’était du temps où il était permis de fumer lors des concerts (c’est dire ce qui était interdit…). C’était avant le GSM, avant le PC, avant internet, avant le téléchargement et le peer to peer, avant le MP3 et le MP4, avant YouTube et FaceBook. Bref: une autre époque, un autre monde, un autre temps, une autre dimension que retrace de manière anti-chronologique depuis 1980 cette bande originale de ma vie…
Appreciate: All the World is a Stage ! Keep on keepin’ on rockin’, Ol’ Chaps…