La 48ème édition du SJOCK est probablement semblable à ce que fut la 32ème ou à ce que sera la 64ème. L’ADN du plus ancien festival belge en est sans doute l’explication : punk, rock, rockabilly, garage et roots, le tour d’horizon est large tout en étant à la fois excessivement restreint. Il n’y a qu’un SJOCK et ce qu’on y trouve et ce qu’on y entend tient à la fois de l’originalité et de la spécificité quand pas tout simplement du mainstream – mais de ce mainstream qu’on ne rencontre que dans ces festivals un rien décalés, un peu déjantés et tout à fait hors des sentiers battus.
Au SJOCK, on est aux antipodes de ce que le commun des festivaliers attend et espère trouver où que ce soit ailleurs qu’au SJOCK. Et c’est bien pour cette raison que le plus vieux festival belge demeure encore et toujours Your Rock’n’Roll Highight of the Year ! Sans se prendre la tête, sans gros coup et sans chichi, le staff et le crew du SJOCK sont de ceux (et de celles) qui ne se la pètent pas. Pas plus que les stars et les bands qui n’ont ici pas de caprices à formuler. Ici, on est en famille, punt aan de lijn.
Backstage, tout le monde est logé à la même enseigne et partage la même cantine et le même bar : la sécurité, les roadies, les guests, les crews, les techniciens, le staff, les photographes… et les bands. On s’abreuve à la même pompe à bière, on se fait servir les mêmes pistolets fourrés à la demande, et on remet en peinture les mêmes urinoirs. Certes, les bands bénéficient bien de « loges » dans les baraquements constituant le modeste Artists Village (qui n’en porte que le nom), mais c’est comme s’ils préféraient la cantine partagée pour boire un verre avant de monter sur scène ou s’enfiler un spaghetti bolo à l’issue de leur set. Et c’est pour ça qu’on adooooore le SJOCK, qu’on adoooooore son staff et son crew, et qu’on adooooore tout ceux qui gravitent autour et alentours de ce festival sans nul pareil dans notre petit Royaume.
Notre samedi sera égayé de bien des moments chauds-boulette, rock’n’roll ou complètement décalés, et de de bien des rencontres à haute-valeur ajoutée toujours. Sans conteste aucun, tiennent le haut du pavé AGNOSTIC FRONT d’abord (que nous découvrons live on stage) et COSMIC PSYCHOS (que nous retrouvons deux ans après leur dernière prestation ici-même) qui décrochent notre palme absolue. Quelle palme ? THE palme !
Le blouson noir à capuche de Vinnie Stigma qui, comme nous, attend sagement son sandwich arbore un fier New York Hardcore 1982. Ce qu’on peut voir de ses membres supérieurs et inférieurs est couvert de tatouages à l’instar de son crâne incrusté d’une belle araignée dans sa toile. Et dire que cette petite boule d’énergie brute arpentait rageusement (mais le sourire aux lèvres) la scène de long en large il n’y a que quelques minutes encore, quand ne fonçait pas dans le public sa guitare en bandoulière et, entouré (protégé) de ses gardes-du-corps, orchestrait un mosh pit / pit-circle, planté en son centre comme au calme dans l’oeil d’un cyclone dévastateur.
Le hard-core d’AGNOSTIC FRONT est, à l’inverse de quantité d’autres, intéressant. Intéressant car plaisant, festif, joyeux, second degré, tout le contraire de ces bands hard-core qui, pour leur grande majorité, jouent à faire peur, jouent les méchants garçons. Les gars d’AGNOSTIC FRONT le sont : pas besoin pour eux de jouer à faire comme, ni de simuler. A l’instar de COSMIC PSYCHOS qui s’en suit sur la mainstage, ils sont de la trempe de ceux dont on s’imbibe et dont on s’imprègne, de ceux qu’on vit live on stage, pas de ceux qu’on écoute sur sa platine confortablement installé dans son living.
D’ailleurs, qu’est-ce qui a moins de saveur qu’un COSMIC PSYCHOS sur CD une fois (une seule fois!) qu’on a pu voir ce power-trio en live ?! Avec AGNOSTIC FRONT from New York City et COSMIC PSYCHOS from Down Under, c’est comme si ces extrêmes géographiques s’étaient donné rendez-vous à mi-chemin chez nous pour faire trembler la planète Terre.
Toujours une bière à la main (quand pas une dans chaque main) tant sur scène que backstage, on a pu observer nos Australiens préférés passer l’après-midi à pinter de-ci de-là. Et quand on lit attentivement les quelques photos ci-dessous, on comprend mieux de quoi il en retourne…! Le trio n’a ainsi pas changé d’un iota depuis leur dernier passage ici-même. Ah si, le visage de John Mad Macka McKeering est maintenant garni d’une généreuse barbe grise bien fournie à la manière d’un bushman ayant passé plusieurs mois dans l’outback. Ross Knight boite quelque peu, comme si à force de jouer avec leurs flingues il s’était accidentellement tiré une balle dans le genou. Dean Muller quant à lui semble plus cow-boy fringant que jamais, même si ses multiples tentatives (ratées) de récupérer ses baguettes lancées en l’air depuis sa batterie n’avaient comme seul but que de le rendre plus hilare encore.
Car sur scène, COSMIC PSYCHOS demeure de l’entertainement pur jus, voire pur gras lorsque Mad Macka exhibe sa panse sur l’avant-scène pour nous la jouer danse-du-ventre du plus crade effet. Côté sonorisation, ça mouline ferme dans les chaumières et la bande-son est à l’image de la mise en scène : simple, simpliste, et même simplissime mais foutrement efficace et bougrement destructrice. A l’instar d’AGNOSTIC FRONT, COSMIC PSYCHOS nourrit son homme à la manière d’un spaghetti sur table, les mains dans le dos : t’en prends plein la tronche avec finalement pas grand chose – aux antipodes d’un cinq services présenté dans de la vaisselle de porcelaine.
Mais au moins, tu sors de table rassasié – pas comme avec la nouvelle cuisine. Cassoulet garni versus cuisine moléculaire : au SJOCK Festival, on est dans l’authentique qui te cale l’estomac. Au SJOCK, on est plus dans le bouchon lyonnais que dans le léché de chez Bocuse : ils ne sont pourtant pas loin l’un de l’autre, géographiquement parlant, mais tellement sur une autre planète. Planet rock’n’roll. Merci la famille SJOCK – et surtout: total respect.