RUSH : 3 de 3. Front rows, stage right. Francfort semble avoir drainé 11.000 canadian maniacs des quatre coins de l’Europe. Probablement car ce concert est étrangement le seul show germanique de ce court European Tour Machine 2011 qui s’achève par ailleurs ce soir à la hussarde (teutonne) dans la fournaise de cette Festhalle rendue célèbre par le tournage de "R30" en 2004. Et tout comme RUSH, nous retrouvons cette superbe salle pour la quatrième fois également. Fournaise ou véritable étuve ? Il fait chaud-boulette sous le dôme de la halle, et cette moiteur suintante digne d’une baraque à frites semble décupler l’ardeur, la chaleur et l’impatience d’un public venu partager ce tour de force de plus de trois heures.
Geddy et Alex incendient l’audience dès les premières notes qui déchirent la halle, tandis que Neil bucheronne ses peaux comme jamais. Le rouleau compresseur RUSH écrase avec légèreté, broie avec finesse, réduit délicatement en bouille et achève avec doigté les dernières réticences de celles et ceux qui auraient pu se tromper de spectacle en poussant la porte de ce thé dansant – ce n’est pas tous les jours qu’un concert débute à 18h30 pour se terminer plus de trois heures plus tard alors qu’il fait encore clair et chaud dehors. Le brulot intérieur semble avoir contaminé tout l’air ambiant de la ville-saucisse (de Francfort, bien sûr).
(Ultra low-definition pictures)
Quelques syncopes et évacuations plus tard (pfff : pour une fois qu’un public largement féminin est de la partie), voilà-t-y pas que ces nymphettes tournent de l’oeil dans une étuve que les trois Canadiens n’ont pas particulièrement aidé à rafraîchir il est vrai. Alex a lui aussi laissé tombé la veste durant l‘intermission – sans doute pour nous en mettre encore plein la vue à l’occasion de ce véritable bouquet final européen. Neil semble joyeux (…comme à chaque fin de tournée, pour qui le connait un peu…) et est gai tel un pinson qui sait qu’il va retrouver dans quelques heures sa couvée. Pour sa part, Geddy rayonne, satisfait du job en train d’être accompli. C’était le show parfait – le dernier de la tournée, celui qui délivre les corps et libère les esprits. Celui où l’on se permet tout, car il n’y a plus rien à prouver, plus rien à gagner, plus rien à perdre non plus: le bouquet final.
Ce soir, tout le monde sent l’écurie – au propre comme au figuré et pas pour les mêmes raisons. Reste cependant en suspens une interrogation : alors qu’à chaque show Geddy annonce une set-list longue de milliers et de milliers de morceaux, un programme long de millions ou de dizaines de millions de titres, il annonce ce soir qu’ils en ont… six millions. Pas sept ni cinq, non : six millions. Pas dix mille ni trois cent mille. Non: juste six millions… Une de leur première venue dans cette Festhalle avait été l’occasion pour Geddy d’affirmer combien ils étaient tous trois impressionnés par le fait de se produire dans une salle qui avait une telle histoire et qui avait été le théâtre de tant de rassemblements dans un sombre passé germanique. Ce soir, probablement Geddy est-il le seul à savoir pourquoi c’est précisément six millions de morceaux que RUSH entend nous balancer en pleine figure lors de ce final. Lors de cette solution finale canadienne….
La grande famille rushienne européenne était rassemblée ce soir a Frankfurt pour cette Machine à Remonter le Temps – des Français venus de France ou vivant sur place, des Hollandais croisés l’avant-veille à Rotterdam, des Belges familiers du Spirit, des Espagnols et des Italiens en-veux-tu-en-voilà. Ce soir, c’était à la fois Broadway et le Moulin Rouge, c’était Pigalle et Soho, c’était le Yin et le Yang. Mais pour cette année, this is the end : alles hat ein ende nur die wurst hat zwei… et où, mieux alors qu’à Frankfurt, terminer ce European Tour Machine 2011 ?! On peut trouer la nuit: the job is done…