W.A.S.P. – Rockhal, Esch-sur-Alzette – 19 juin 2025

Une dernière overdose eighties, un dernier shoot de dopamine hair metal : que demander et qu’attendre de plus de Blackie LAWLESS si ce n’est qu’il nous étrille en ce canicule soir de juin 2025 ?! Suite aux nombreuses restrictions sanitaires qui persistaient encore sur le Vieux Continent, WASP avait été contraint en 2022 de reporter au printemps 2023 la tournée européenne célébrant son 40e anniversaire. Nous avions déjà eu affaire à du grand Blackie live à Saarbrücken le 05 mai 2023. Depuis, cette tournée mondiale entamée il y a 2 ans semble n’en plus finir, de quoi faire se gausser notre Lawless en laissant entendre ce soir qu’il n’y en aura plus de suivante: « This is History, you witness History« . Amen.

Avec seulement une bonne vingtaine de minutes de retard au lieu de 50 minutes il y a deux ans (il y a progrès…), la bande à Blackie monte sur scène dans une Rockhal transformée en étuve. Le management US est à la manoeuvre : on assiste depuis le bord de scène aux consignes du tour manager donnant préalablement l’injonction aux organisateurs d’annoncer au micro que tout crowd-surfing et que toute tentative de passer outre les barrières protégeant le pit seront sanctionnés d’une expulsion immédiate de la salle. Ambiance. Sifflements et huées en provenance d’un public déjà échaudé par la température ambiante et chauffé à blanc par le retard encouru. Pas très rock’n’roll tout ça de la part d’un Blackie qui jamais n’arrête de nous étonner, mais pas dans le bon sens cette fois. Quoi qu’il en soit, l’assaut peut enfin débuter.

Revêtu de son t-shirt estampillé « 40 » dans le dos et marqué d’un « 1982-2022 » sur le bide, Lawless affiche une sale tête au moment de monter sur scène, nous faisant même redouter le pire. D’autant plus que deux vigiles postés dans le pit-photo au pied de son micro étaient précisément plantés là nous dit-on au cas où… Mais il n’en est finalement rien : la Bête est en belle et grande forme pour nous délivrer un bon quatre-vingt minutes d’un set quasi parfait. Un shot d’ocytocine vintage comme on en redemande, sans une ride, sans une tache de vieillesse, sans le moindre signe de faiblesse, que du contraire.

Même si probablement aidée par quelques subtiles manipulations magiques depuis la table de mixage, sa voix est intacte. À près de septante ans, Lawless sonne toujours aussi phénoménal. Sa voix trouve l’équilibre parfait entre rauque et mélodique, suffisamment rauque pour dégouliner de venin, mais jamais au détriment de la mélodie. Sleeping (in the fire) en atteste de la plus virulente manière qui soit, sans parler d’un Wild Child débuté a capela lors du rappel. A en donner la chair de poule…

Mention spéciale à Aquiles Priester, véritable monstre derrière ses fûts : précis, puissant et implacable. Et ses deux autres complices de longue date, Mike Duda à la basse et Doug Blair à la guitare, qui font de ces morceaux vieux de plusieurs décennies de véritables pépites comme tout juste sorties du cerveaux démoniaque de Lawless.

WASP reste une pierre angulaire du heavy metal américain du siècle dernier : théâtral, agressif et hairy à souhait. L’effet choc et le barnum s’est peut-être estompé, mais la musique n’en est devenue que plus intemporelle, désormais polie avec le genre de patine que le temps seul peut donner: sinon une respectabilité, du moins un classicisme indéniable. Ce concert n’est pas qu’une fable lyrique sur le péché et la rédemption, c’est une histoire de sang, de tripes, de bile et de violence. Mais tout est désormais dans le verbe et dans la musique, plus dans les excès ni dans le cirque. Ce concert, c’est l’histoire de l’album qui a mis le feu aux poudres du Los Angeles des années 1980 – Motley Crue en moins. Dispensable, l’écran vidéo qui se dresse en arrière-scène, clin d’œil poignant (ou plutôt pathétique) à l’histoire du groupe diffusant des images originales de la formation classique comme une sorte d’hommage vivant, mais créant une étrange dissonance : on regarde le groupe actuel tandis que des fantômes du passé apparaissent et disparaissent sur l’écran derrière eux…

Pendant près de 80 minutes, W.A.S.P. a ouvert un portail temporel, a déchiré un espace-temps en transportant la Rockhal tout droit en aller simple dans les eighties, dans toute leur insouciance et toute leur gloire sanglante. Au-delà de la simple nostalgie, c’était malgré tout une sacrée célébration du côté rebelle, provocateur et bruyant de ce qui reste du real rock’n’roll du siècle passé. Du millénaire écoulé… Et dire que nous avions raté sa prestation en 1ère partie d’Iron Maiden à Forest en 1986 qui reste manifestement dans toutes les mémoires à l’exception de la nôtre, gasp.