Notre histoire AC-DC commence en 1980 lors de notre premier face-à-face à Arlon, et se termine ce soir ici à Dessel 44 ans plus tard pour notre enième et dernier AC-DC: ite missa est. La set list de ce Power Up Tour 2024 offre littéralement un best of du best of (que le gang des Australiens s’est toujours refusé à sortir), hormis l’absence de The Jack sur lequel Angus Young avait pour habitude de stripteaser. Mais ça c’était avant. Les plus vieux regrettent aussi la gigantesque Whole Lotta Rosie gonflable d’antan, remplacée par une version numérisée apparaissant en 2D sur les écrans géants disposés aux extrémités et au centre de la scène. Mais ça c’était aussi avant…
Et ces écrans précisément, qui semblent superbement ignorer au risque même de mépriser la section rythmique qui joue manifestement les pièces rapportées, attribuant à Brian Johnson et à Angus Young désormais réconciliés leur hyper-rôle de leaders incontestés et d’étendards d’une formation qui n’en porte désormais plus que le nom et n’en arbore plus que le logo, tout en en prolongeant la légende et en portant à bout de bras un mythe inaltérable et une image qui semble éternellement iconique…
La formule fonctionne cependant parfaitement avec Stevie Young à la rythmique, Chris Chaney à la basse et le batteur Matt Laug pourtant relégués aux rôles de simples faire-valoir. Même la célèbre cloche de Hells Bells en a perdu son battant qui supportait auparavant un Brian Johnson qui s’y balançait, et aujourd’hui devenue pâle relique d’une époque révolue. Même les canons rythmant For Those About to Rock (We Salute You) semblent en sourdine alors qu’ils devraient cracher tout leur feu lors du traditionnel final – à moins que ce ne soit illusion due à la (bien trop) grande distance qui nous en sépare…?
Avec un quart d’heure de retard, il est 21h15 lorsque les premiers accords de If You Want Blood (You’ve Got It) viennent déchirer la plaine, mais on comprend immédiatement que Brian Johnson pourtant en toute grande forme physique peinera néanmoins à vocalement performer. Il ne s’en cache d’ailleurs pas en portant plus d’une fois sa main à la gorge, affichant la mimique et le sourire désolé mais sincère du type qui a parfaitement conscience de comprendre qu’on a tous compris. Johnson a aujourd’hui 76 ans ; il n’en avait que 32 (et nous seulement 15 !) lors de notre premier face-à-face à Arlon un beau jour de juillet 1980 pour son 3ème jour au sein du band…
L’incontournable Angus Young, omniprésent, offre un jeu irréprochable même s’il porte lui aussi le poids des ans, nous renvoyant à notre propre turpitude face aux méfaits des décennies sur notre propre image personnelle. Qu’il est désolant de voir ces dieux, nos idoles de jeunesse, vieillir au même rythme que le commun des mortels, tels des anges déchus ou des dieux débarqués manu militari de l’Olympe. Arpentant l’avant-scène de long en large comme un diable désormais rompu, le pas d’Angus demeure aussi alerte et vif et sa fougue aussi énergique que d’antan, même si sa foulée est désormais moins rapide et moins saccadée. Mais comment prétendre demeurer au pinacle des showmen avec la même explosivité que celle d’il y a 50 ans ?!
On reprochera toutefois à Angus un bien trop long solo aussi dispensable que soporifique sur un Let There Be Rock qui tire ainsi sur les 20 minutes. Mais ce n’est finalement que peu de chose à côté des interminables temps morts entre chaque morceau, plombés par un silence aussi lourd sur la scène que pesant dans le public: c’est que les dieux se doivent de récupérer. Seul Guns and Roses fait mieux, ou plutôt pire. De quoi finalement ramener les honorables 02h15 de concert à moins de 02h00 de musique dans les faits. Mais peu importe: il y a des lieux où il faut être parce qu’il y a des moments qu’il faut vivre, et Dessel ce soir en fait assurément partie pour notre dernier et, c’est certain, ultime AC-DC.
Il est un fait certain que notre expérience aurait été toute autre si nous avions été placés non loin de la scène, bien plus près des acteurs, pour profiter et jouir d’un décorum et d’une scénographie à la démesure du mythe AC-DC. Nous aimerions dire « ce sera pour une prochaine fois », mais il n’y en aura pas. Il n’y en aura plus, c’est certain. Ou pas – mais alors dans le pit-photo 😉 For those about to rock, we salute you (& total respect)…