Aaaah, Forest National ! Le « chaudron bruxellois » – ainsi dénommé au temps de sa grandeur et de sa splendeur – gardera toujours une place particulière dans notre coeur. Car il n’y a qu’un Forest National et que s’y sont écrites quelques unes des plus mémorables pages (belges) de l’épopée du rock’n’roll. Ou en tous cas de la nôtre. Et puis il y a cette fosse, mythique, même si l’on regrette à chaque fois ce sol désormais plat depuis bien trop longtemps maintenant en lieu et place de la légère inclinaison – que les moins de 50 ans ne peuvent connaître – qui offrait une visibilité si parfaite d’où qu’on soit. Et ces gradins, tout aussi légendaires, la bête noire de quantité d’ingénieurs du son (on ne les compte plus) qui s’y sont cassé les dents et qui nous ont cassé les oreilles.
Ces ingés son qui n’ont jamais, ô grand jamais su et pu amadouer l’acoustique impactée par ces gradins, offrant au public des prestations au son aussi pourri que pitoyable qu’on ne compte plus non plus. Forest National, le juge de paix des ingénieurs du son ! Forest National, pourtant choisi par Aerosmith en 1993 pour retransmettre en direct sur la bande FM (et en mondiovision, siouplait – nous sommes en 1993!) son concert bruxellois. Aerosmith apparait au grand complet dans le public, au sommet de ces gradins juste avant le concert, pour se faire tirer le portrait avec cet arrière-plan sans pareil du chaudron bruxellois. Ah ! Forest National, tout un poème, tout un pan d’histoire…
Et ce soir, les oiseaux gazouillent dans la salle. La sono nous plonge en effet presqu’en pleine forêt (nationale) dans l’attente de l’arrivée de SHAKA PONK: bande-son des Français qui les accompagne chaque soir de leur tournée, ou musique d’ambiance propre aux lieux peut-être ? Puis c’est au tour de SHAKA PONK de profiter du cadre: le groupe débarque au beau milieu du public dans les gradins par la porte d’accès que nous avons empruntée quelques minutes auparavant, puis se fraye un chemin entre les rangées de sièges pour ensuite descendre lentement les escaliers sous les hourras des 7.000 aficionados.
Ils arrivent enfin dans la fosse et fendent le public comme Moïse les eaux de la Mer Rouge. Trois morceaux durant, Frah et Sam allumeront le feu depuis un modeste podium planté au beau milieu de la fosse tandis que le reste du band bucheronne ferme sur la scène où la scénographie se dévoile au fur et à mesure que le set grimpe en intensité.
Tournée d’adieu des Monkeys, donc. Début 2022, Frah, Sam et toute la bande annoncent travailler sur un ultime album (le septième, plus politique et plus engagé que jamais) avant une tournée d’adieu, chacun ayant envie de passer à autre chose. Voici donc la date belge qui clôt une aventure entre punk et métal commencée en 2002. Les Parisiens ont réussi leur pari d’être toujours actuels et de toucher trois générations tout en se servant d’un matériau musical que beaucoup pourrait trouver daté malgré la présence numérique du singe Goz et de sonorités électros. Lucide, SHAKA PONK réalise qu’ils ont tout dit, que ce soit en anglais ou en français. Mieux vaut donc arrêter avant de se répéter, voilà qui est tout à leur honneur.
Avec une tournée de 87 dates quasi sold out qui a débuté en octobre dernier et qui durera plus de 12 mois, SHAKA PONK n’est pas du genre à faire les choses à moitié. La scène est bien chargée, et deux chorales de chanteuses en robes blanches rejoindront les planches pour quelques morceaux en fin de set. Le « cercle pit » aura déjà eu lieu, lancé par un Frah en son plein mitan après avoir à nouveau rejoint le centre de la fosse et laissant Sam sur la grande scène. Engagés et portant à bout de bras leurs nobles causes (écologiques et autres), c’est donc ainsi et par la grande porte, au sommet de leur art et de leur engagement, que SHAKA PONK tire sa révérence belge. Merci à vous, météore ou OVNI du paysage musical francophone. And don’t forget the rock’n’roll!
PS : pas de pit-photo ce soir, les photographes accrédités devant shooter depuis la fosse au milieu du public, et uniquement depuis la fosse. Pas top comme conditions. Puis validation obligatoire des clichés par le management avant diffusion. Nos clichés ici présentés n’ont cependant pas tous été validés. Mais dès lors que ledit management a fermé les yeux sur de (superbes) photos prises par des confrères depuis des endroits non-autorisés, il ne nous en tiendra sans doute pas rigueur. Equité, équité…