RUSH : 2 de 3. Alors que tous les Marcel du bon peuple gavé par le marketing mercantiliste et médiatique floydien s’esbaudissent à Anvers devant un Roger, c’est au sein d’un autre sportpaleis distant de quelques dizaines de kilomètres seulement que se déroule cependant le véritable événement (non pas populeux ni populaire, mais exclusivement musical) de cette soirée : RUSH retrouve l’Ahoy de Rotterdam. Mon quatrième Ahoy avec RUSH – et front rows, stage left, please. Un beau et grand soir pour mon R30 : ce code qui n’est pas sans signification pour les amateurs et connaisseurs, en revêt une toute particulière pour moi. Mon R30, mon 30ème concert de RUSH – ni plus, ni moins. Et pas le meilleur, car celui-là est toujours à venir, sinon à quoi bon…?!
RUSH joue dans une division où les prétendants ne sont pas légion : y en a-t-il d’ailleurs capables d’aligner le palmarès et le pedigree de nos trois Canadiens ? Ils ont depuis longtemps atteint le degré d’excellence totale où, une fois la complexité architecturale assimilée et la prouesse technique totalement intégrée dans leur jeu de scène, celles-ci ne font plus que porter le band et servir la symbiose entre les trois hommes. Le décorum à la hauteur de la prestation apporte la touche finale, là où d’autres ne l’utilisent que pour mieux faire diversion et/ou… compenser.
(Ultra low-definition pictures)
Le son est d’une rare perfection dans un Ahoy qui a déjà fait ses preuves par le passé, et délivre un niveau de pureté rarement (jamais?) atteint. Et la vieille connivence dont font preuve ce soir nos trois complices termine un tableau des plus réussis – sans commune mesure avec l’expérience dublinoise qui était trop proprette et trop clinique. Le tableau, ce soir, est parfait. La quintessence de la perfection musicale et artistique. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas RUSH – puisque tous les goûts sont évidemment dans la nature – force est de s’accorder que nous jouons ici dans la cour des plus grands. RUSH, le poids des mots, le choc des notes. La force tranquille, telle une mer d’huile qui ne dit rien mais qui peut tout engloutir, semblant de rien. RUSH, le trou noir de la musique contemporaine, redoutable force invisible qui fait table rase de tout.
Behind only The Beatles and The Rolling Stones for most consecutive gold or platinum albums sold by a rock band, mine de rien, sans vague, sans bruit, semblant de rien. C’est tout RUSH, ça : c’est Fukushima et Tchernobyl à la fois : totalement destructeur, impossible à contenir et d’une telle redoutable efficacité qu’on ne peut qu’y succomber ou la fuir. Ce soir à Rotterdam, c’est à la fois les Noces de Cana et le Jugement Dernier. L’Apocalypse et le Big Bang réconciliés. C’est Bach réincarné en Van Gogh. C’est le jumelage entre Hiroshima et le Tibet. C’est le mariage entre Cro Magnon et Kierkegaard. C’est la réconciliation de Gengis Khan et de Confucius. Et les Working Men de ce soir sont les bâtards issus des amours interdites de Bob Marley et de Jimi Page par un beau soir de 1974…